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15 novembre 2006 3 15 /11 /novembre /2006 15:11
Le taylorisme en entreprise doit sa forme à la conception de l'homme. Taylor était quaker. Pour lui, la nature humaine était irrémédiablement déchue. Ceci explique cela.

 


 

FONDEMENTS DE LA PENSEE TAYLORISTE

Il ne fait aucun doute que l’appartenance religieuse de Taylor à la secte des quakers n’ait influencé sa pensée.

Examinons donc les origines de cette pensée. Essayons d’en comprendre le contexte. Puis, nous nous demanderons si les vérités sur la nature humaine y sont conservées. Nous nous doutons un peu de la réponse, mais, regardons en quoi les conceptions tayloristes sur le travail et sur la nature humaine s’opposent à la doctrine sociale de l’Eglise. N’oublions pas qu’il est hautement probable que Taylor a voulu définir une organisation du travail susceptible de mieux satisfaire les besoins matériels de tous. Il est probable qu’il a cru bien faire(1). Mais visiblement, il ne se sentait aucunement porté à respecter la nature humaine.

F.W. Taylor était quaker (2). Cette secte fut fondée par Georges Fox (1652), en réaction contre les églises protestantes (anglicanes, calvinistes ou luthériennes). Les quakers rejetaient toute forme d’organisation ecclésiale, vivaient en petites communautés, dans la prière et dans l’attente de « l’illumination intérieure ». Certains aspects de l’ascétisme quaker dans la vie et surtout dans le travail, préfigurent la méthode d’organisation tayloriste. Des conceptions de Dieu, de l’homme, de son rapport au monde et de sa destinée éternelle, découlent des principes d’organisation. Et de cette organisation « découle le bien ou le mal des âmes ». (Pie XII)

Pour exposer les principes quakers, nous nous reporterons aux études de Max Weber (3), que nous suivrons pas à pas dans sa description.


 1. LA PROFESSION – VOCATION

Commençons par examiner la conception du travail propre au protestantisme. Luther établit une relation entre la religion et le travail. Il estime « l’accomplissement du devoir à l’intérieur des professions séculières comme le contenu le plus élevé que pût revêtir dans l’absolu l’activité morale de l’individu(4)». Lui qui récusait la vocation de moine, il transpose dans la vie professionnelle profane le concept de vocation, d’appel de Dieu. Le travail a donc une signification religieuse.(5) On comprend dès lors son importance ainsi que l’attitude de l’homme au travail. Cette innovation, spécifique au protestantisme, prend un relief particulier chez les quakers, d’autant plus marquant qu’ils refusaient toute sanctification par les œuvres – trait général à tout le protestantisme – et qu’ils ne croyaient pas que les sacrements puissent conférer la grâce. Ils croyaient à la prédestination, c’est à dire à l’élection par décret divin, pris de toute éternité, en dehors de toute église. Mais comment savoir si l’on était élu ou si l’on était condamné ? Seule l’action dans la profession, pour laquelle ils étaient appelés, leur permettait de savoir s’ils faisaient partie des élus. Cela se voyait à leur conduite et … à leur réussite (6).


2. LA GLOIRIFICATION DU TRAVAIL

D’après Barclay (1648 – 1690), auteur de référence des doctrines quakers, le travail reste une action naturelle. On n’est pas appelé par vocation à une profession en particulier, mais le travail est le propre de l’homme et chacun doit travailler. Le principe de confirmation de son élection par son action dans le travail demeure. Le temps que l’on consacre au travail est un temps pour Dieu. « Le temps a une valeur infinie, parce que toute heure perdue est soustraite au travail consacré à la gloire de Dieu. Il s’ensuit que la contemplation inactive est, elle aussi, dénuée de toute valeur et éventuellement, directement répréhensible, du moins lorsqu’elle se déroule aux dépens du travail professionnel » (7) Voué au travail, l’homme doit donc travailler sans relâche, pour la gloire de Dieu. Le salut par la grâce se vérifie à la conduite de l’individu, à sa probité dans les affaires et à sa réussite, interprétée comme étant le signe de la bénédiction divine. Bien que le caractère sévère des quakers enjoigne à « ne pas se reposer sur les richesses », la gloire de Dieu risque de tourner à la gloire du travail et le motif religieux peut vite se retourner en pragmatisme vulgairement utilitariste. C’est ce qui arrivera à l’époque moderne. Mais, à l’origine, les quakers voulaient que leurs membres n’amassent pas les richesses. On pouvait vivre dans un confort relatif, mais sans excès et surtout sans ostentation. Le mode de vie devait rester sobre, économe, (quitte à investir, ce qui permettait d’accumuler un important capital).


3. BEATI POSSIDENTES !

Dans l’éthique des quakers, la profession n’est qu’un exercice de vertu ascétique, rationnel, permettant de confirmer son état de grâce par le développement de son esprit de méthode dans la profession. Moins que la caractéristique du travail, c’est la méthode qui compte. Ainsi, est-il possible de changer de profession, pourvu qu’on puisse y apporter tout le soin requis, pourvu que persiste l’esprit de méthode et pourvu que cela plaise à Dieu.

Par tradition les quakers s’octroient depuis le XVIIème siècle le privilège d’être « comblés par Dieu de la bénédiction de biens ».(8)Comme les calvinistes, ils reconnaissent le Dieu rémunérateur dans la réussite matérielle. Ils se targuent d’être porteur d’une « éthique » moderne des affaires et font tourner ainsi l’ascèse religieuse à la religion du succès.


4. UNE ASCESE DEPERSONNALISANTE

L’alternative du quaker se joue entre la volonté de Dieu ou la vanité de la créature. C’est pourquoi, les paroles inutiles, les conversations oiseuses, dénotent un comportement irrationnel, desservant la gloire de Dieu. Pour cette raison, prévalait dans les habitudes de vie la sobriété du boire, du manger, des vêtements. « La tendance puissante à l’uniformisation de style de vie, telle que l’encourage aujourd’hui l’intérêt capitaliste à la standardisation de la production, avait son fondement idéel dans le refus de la divinisation de la créature. »(9)

Cette sobriété standardisée entraîne une certaine dépersonnali­sation qui se retrouve dans l’organisation même du travail. La relation humaine est pauvre, car, « l’amour du prochain se manifeste au premier chef – étant donné qu’il ne doit être qu’un service à la Gloire de Dieu et non de la créature - dans l’accomplissement des tâches professionnelles fixées par la lex naturae et, ce faisant, il revêt un caractère spécifiquement objectif et impersonnel : celui d’une activité au service du façonnement rationnel du cosmos social qui nous entoure. »


5. METHODE, CONTROLE, COMPTABILITE DIVINE

Les quakers ont adopté dans leur style de vie un caractère méthodique et consciencieux. Cette rationalisation de la vie diffère d’avec le style calviniste. Baxter(10), parlant des quakers, dit que l’Esprit agit sur eux « comme l’âme sur un cadavre », alors que le principe calviniste fait coïncider la raison humaine et l’Esprit.(11)

Qu’il s’agisse de calvinistes ou d’autres obédiences, l’ensemble du mouvement protestant réclame non pas une sainteté par les « bonnes œuvres », mais la preuve de son élection par son action dans un système tout à la gloire de Dieu. La différence entre les œuvres simplement bonnes sur le plan moral et les œuvres véritablement spirituelles « réside en ceci qu’elles donnent à voir un progrès continu (12) tel qu’il ne peut être obtenu que par l’intervention surnaturelle de la grâce de Dieu. »(13)

Cette systématisation pousse le protestant – pour contrôler son état de grâce - à tenir une véritable comptabilité de ses actes(14). Certes, le journal religieux, les tableaux consignant les péchés ou les tentations n’appartiennent pas en propre au protestantisme. Les catholiques emploient également ces moyens là. Mais l’accent n’est pas mis au même endroit. Le catholique s’efforce à la charité, aux sacrifices, à éviter les péchés, afin de progresser dans la vie surnaturelle et de coopérer à l’action du Dieu sauveur. Le protestant contrôle son état de grâce, cherchant à connaître son élection ou sa réprobation. N’ayant pas le sacrement de pénitence, ne croyant pas aux bonnes œuvres, il ne reste au protestant, pour obtenir la certitudo salutis (la certitude de son salut) que le contrôle de tous les domaines, le façonnement rationnel de toute sa vie.

Les quakers, comme les autres sectes, (ici les mouvements hors des églises protestantes) vivaient en petites communautés. Tous les membres pouvaient donc se connaître et contrôler mutuellement leur confirmation, c’est à dire leur élection par la grâce. « L’histoire de chacune des sectes issues de l’anabaptisme permet de suivre la rigueur impitoyable du contrôle que celle-ci, et en particulier les quakers, ont exercé sur la conduite de vie de leurs membres, sur la probité en affaires avant tout. »(15)


6. MENTALITE ANTI HIERARCHIQUE ET ANTI INSTITUTIONNELLE

En rupture avec les églises protestantes, les quakers regardaient avec méfiance toute institution sociale. Etait conçu comme devoir religieux, le refus de porter les armes ou de prêter serment. Ce qui entraînait logiquement leur disqualification pour tous les postes de la fonction publique. C’est ainsi que la fastidieuse méthode quaker de la vie professionnelle ne trouvait à s’investir que dans l’économie privée. En conjuguant le refus de « la divinisation de la créature », le refus des charges publiques, le refus des institutions ecclésiales, la tournure d’esprit des quakers prenait une orientation anti-hiérarchique marquée. Dieu seul doit régner. Dans la religion d’abord, mais sur la société ensuite.(16)

Cet esprit anti-hiérarchique était renforcé par l’importance de la conscience individuelle. Le quaker recevait de Dieu une « lumière intérieure » qui lui interdisait d’aller contre sa conscience. Un des axiomes de l’éthique quaker était que ce qui était bon pour l’un pouvait être mauvais pour un autre ; ce qui était un devoir pour l’un, était interdit pour un autre. L’autonomie de l’individu s’élevait donc contre toute forme d’ « autorité arbitraire », et ce, par devoir religieux. (17)


7. CORRESPONDANCE DU TAYLORISME ET DE L’ESPRIT QUAKER

Le rappel des éléments ci-dessus décrivant l’esprit quaker permet de saisir la logique du taylorisme. Le cœur de la méthode consiste à diviser un travail en taches, elles-mêmes analysées en mouvement élémentaires ; à mesurer les temps de chaque mouvement et à spécialiser les ouvriers, à chaque poste, sur un ou plusieurs mouvements. C’est le travail à la chaîne, s’effectuant selon une cadence prédéterminée. C’est un système mécanique qui vise à la productivité. (C’est ainsi qu’on plaît à Dieu, cf. ci-dessus § 2). Ce système comptabilise tout en « gestes utiles ». On calcule en seconde, voire en centième de seconde. (La vie entière est contrôlée, comptabilisée, cf. ci-dessus § 5.) Le système de production mécaniste réduit le rôle de l’homme à celui d’un organe de machine ; il dépersonnalise le travail. (Rappelons qu’il ne faut surtout pas diviniser la créature, seule l’efficacité compte. L’efficacité plaît à Dieu. La preuve en est donnée par l’accroissement de la productivité du travail en série : (cf. ci-dessus § 4.) Le travail est divisé, découpé en miettes, répétitif et inintéressant. Qu’importe la tâche ? C’est l’aspect méthodique qui compte. Jamais le travail n’a été analysé avec une telle minutie et jamais aucun ouvrier n’obtiendrait de résultats comparables aux méthodes d’industrialisation. (cf. ci-dessus § 4). Le travail est contrôlé au poste et en fin de production. Des contremaîtres surveillent constamment les allures (rapidité des gestes) et la productivité. Le contrôle est un aspect normal de la vie. Dans les communautés quakers, tout le monde contrôle tout le monde. (cf. ci-dessus § 5) Le travail est divisé. Les relations humaines sont pauvres, voire inexistantes. Il n’y a pas de hiérarchie. C’est la méthode qui décide. Personne n’exerce d’autorité arbitraire Le surveillant (contremaître ou chef d’équipe, appelé supervisor le plus souvent en anglais), n’a aucun pouvoir réel. Il veille simplement à ce que tout ce qui a été scientifiquement établi soit scrupuleusement exécuté. (cf. ci-dessus § 6.)

Les traits caractéristiques de l’éthique quaker montrent encore une correspondance avec les procédures I.S.O. Cette résurgence de l’esprit tayloriste se remarque principalement à l’esprit de système, au contrôle permanent, à l’efficacité, à la transparence, au travail fastidieux et continu et enfin à la dépersonnalisation.

Qu’en est-il par rapport à la doctrine sociale de l’Eglise ? Le taylorisme transforme l’homme en objet. Comme l’écrivait Pie XI dans Quadragesimmo anno, la matière sort ennoblie de l’usine tandis que l’homme en sort avili. L’homme doit être le sujet et non l’objet de l’organisation. Pour illustrer ce point, on ne peut mieux faire que de citer Pie XII :

« Votre situation au sein des entreprises où vous constituez le lien entre la direction générale et les agents d’exécution, réclame de vous non seulement des aptitudes professionnelles, mais un sens profondément humain. Vous avez à diriger des personnes intelligentes et libres. (…) Vous aimez qu’on vous confie des responsabilités, qu’on vous laisse la liberté de prendre des initiatives ; vous désirez percevoir le but poursuivi et enregistrer au fur et à mesure les étapes qui vous en rapprochent, vous souhaitez déborder le cadre purement professionnel, pour développer votre personnalité toute entière : tout cela est bon et légitime. Il est donc souhaitable que le travailleur le plus modeste y participe progressivement. (…)Puisque le travail pour tout homme est une nécessité, il faut que les occupations professionnelles ne briment pas ses sentiments les plus naturels et les plus spontanés, mais respectent pleinement sa dignité. C’est dire qu’il ne peut suffire de voir en lui un producteur de biens, mais qu’il faut le traiter comme un être spirituel que son travail doit ennoblir et qui attend de ses chefs plus encore que de ses égaux l’intelligence de ses besoins et une sympathie vraiment fraternelle. »(18)

Comment le taylorisme, dont l’esprit n’est pas mort, a-t-il pu se tromper aussi lourdement sur le travail et sur la nature humaine ? Nous avons déjà donné la réponse : hors de la vraie Foi, le regard de l’homme se trouble. Les mœurs dévient et la loi naturelle s’obscurcit. La doctrine sociale de l’Eglise conserve la loi naturelle. Voilà pourquoi, même sur le terrain des vérités naturelles, l’Eglise doit intervenir. La doctrine sociale de l’Eglise n’est pas seulement obligatoire : elle est nécessaire à qui veut penser droit. Car, sans la Foi catholique, la nature humaine est ignorée, blessée, méprisée, corrompue.

Nous en parlions récemment à un ingénieur assez éloigné de nos idées. A notre critique du taylorisme, il prenait l’air sombre ; à notre interprétation quaker des procédures I.S.O., il pinçait le nez ; à la mention de la doctrine sociale de l’Eglise, il soupira : « L’entreprise, quelle qu’elle soit, cherche à vivre comme elle le peut, sans s’encombrer de théories. ». Non content d’ignorer Dieu, il ignorait l’histoire du travail et voulait ignorer les conséquences de l’histoire. On n’est pas plus irréaliste.


8. L’ESPRIT TECHNIQUE

De cet aperçu, nous retiendrons, comme le note Peter Drucker, que "le travail n'est pas considéré (par Taylor) comme une chose convenue", comme une chose allant de soi, comme une donnée, mais comme une activité "observée et étudiée", comme une activité construite et modifiée selon les objectifs. Ce qui veut dire que le travail devient ce que la méthode en fait. Il est un objet technique. Le travail n'est connu que par la conception qu'en livre la méthode tayloriste, autrement dit la question n'est pas : "qu'est ce que le travail humain ?" L'objet d'étude se limite à ce qui découle de la méthode. Le taylorisme ne recherche aucun savoir. Il ne s'intéresse qu'à sa propre méthode. Son objet d'étude est entièrement voué à la méthode et non au travail humain.

L'homme, à son tour, est vu à travers la méthode et se transforme en simple objet technique. L'efficacité justifiant tout, l'homme est astreint à n'être que le prolongement de la machine. Il est regardé par rapport au travail, par rapport aux résultats recherchés. Il est instrumentalisé, relégué au rang de simple moyen.


9. UN SOUFFLE EMANCIPATEUR

Pour Taylor, l'organisation est un moyen de libération. L'augmentation des rendements de la production est synonyme de richesse et rencontre le désir de l'homme de se libérer des vicissitudes et des limitations que lui impose la nature ; il devient son propre maître, étant à lui-même sa propre ressource. Son succès est le signe de sa bénédiction. Taylor ne conçoit certes pas l’homme indépendant de Dieu. Mais il rencontre le courant moderne, auquel il n’appartient pas, qui s’accommode très bien avec la mentalité protestante et qui, lui, projette le mythe de l'homme indépendant, n'ayant besoin que de lui-même, tirant tout de son propre fonds. Ce point est décisif, car il finit par accorder à l'être humain un statut métaphysique opposé à la doctrine catholique(19). Comment les puissances techniques et économiques pourraient-elles changer la vérité sur l'homme ? Si l'homme moderne se trouve moins dépendant de certaines vicissitudes de la vie, a-t-il pour autant changé sa position dans la hiérarchie de l'univers ? Le crédit que la mentalité moderne accorde à la technique et à la science est d'une importance telle que la hiérarchie des valeurs s'en trouve faussée. L'efficacité économique, l'enrichissement, la puissance deviennent les valeurs suprêmes. La science de l'organisation est productrice de biens. Cela seul suffit et légitime les organisations où la nature humaine est mise entre parenthèse. La civilisation est devenue matérialiste. (20)

10. L'organisation scientifique : alternative à la hiérarchie
Quoique problématique dans les faits, (cf. notre citation de Hoxie, p. 17) cette libération est posée dans le système tayloriste, d'abord par l'accroissement des richesses, et dans le travail même, à deux titres.
  • Premièrement, chaque tâche devenant autonome et spécialisée, le système propose une division égale du travail et de la responsabilité entre les ouvriers et la direction. Cette division du travail, ce morcellement des tâches, associés à la généralisation de la "science de l'organisation" participe d'une une vision égalitaire.

  • En conséquence, les méthodes d'organisation sont poussées de telle sorte que la "hiérarchie" n'a plus rien à décider. C'est la méthode qui décide et non plus les hommes. L'ouvrier est donc "libéré" de l'autorité hiérarchique. L'idée d'une organisation et d’un arsenal de procédures libérant les hommes d'une quelconque tutelle hiérarchique, est encore présente de nos jours. On le voit, par exemple, à travers les procédures qualité. L'auteur de ces lignes à entendu dire dans une réunion qualité : "ce n'est plus la hiérarchie qui décidera c'est la procédure". Tel est, dès l’origine, le messianisme du management moderne.


Antoine Marie Paganelli


 

1 Le cas du taylorisme illustre parfaitement la nécessité de la doctrine sociale de l’Eglise. Certains s’interrogent  : pourquoi cette doctrine sociale devrait-elle être d’Eglise, gardienne des biens surnaturels, puisqu’il ne s’agit que de la loi naturelle ? En tant que naturelles, les vérités ne sont-elles pas accessibles à tous, catholiques ou non ? La réponse tient en peu de mots : sans la vraie religion, sans la grâce de Dieu, la nature a bien du mal à subsister. Les intelligences se brouillent. On ne sait plus exactement ce qu’est l’homme. Les mœurs dévient, la loi naturelle s’obscurcit. La preuve en est administrée maintes fois dans l’histoire et, dans le travail, le taylorisme en est un exemple flagrant.

2 Frederick Winslow Taylor 1856-1917. Pour une courte présentation, voir C. Kennedy Toutes les théories du management, Maxima, 1998, chapitre 32

3 Max Weber, sociologue allemand, juriste de formation. L’ouvrage nous servant de référence pour cet article est : L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, traduction Jean Pierre Grossein, Gallimard, 2003

4 Op. cit. p. 71

5 Profession se dit en allemand « Beruf », qui littéralement signifie appel [rufen = appeler ]. Les pays protestants ont repris cette notion : calling en anglais, kallelse en suédois etc. Antérieurement à Luther, ces mots ne servaient pas à désigner le travail professionnel.

6 L’élection par la grâce, sans aucun mérite de la part de l’homme, n’est pas propre aux quakers. Luther, le premier, en a posé le principe. C’est dans le calvinisme que se définit ensuite la confirmation de l’élection par la conduite de l’homme dans sa vie et donc au travail. Les quakers divergent du calvinisme principalement par leur refus de toute église, de toute autorité.

7 Op. cit. p. 202. -  8 Op. cit. p. 404. -  9 Op. cit. p. 230

10 Richard Baxter. (1615 – 1691), théologien calviniste conciliant et « modéré ».

11 Op. cit. p. 190.- 12 Souligné par nous.- 13 Op. cit. p. 133.-14 Op. cit. p. 144.- 15 Op. cit. p. 263

16 Op. cit. p. 113.- 17 Op. cit. p. 268

18 Allocution du 11 oct. 1953 à des ingénieurs et techniciens.

19 La doctrine catholique conçoit l'homme comme une personne, c'est à dire comme un être doté d'intelligence et de volonté, capable de poser des actes libres et responsables, mais également comme un être soumis à une triple dépendance : par rapport à Dieu, son créateur et sauveur ; par rapport aux hommes car l'homme est par nature un être social qui ne peut vivre sans l'aide de la société ; par rapport aux biens matériels de ce monde.

20 Pie XII Radio message Noël 1953 : "L'Eglise aime et favorise les progrès humains. Il est indiscutable que le progrès technique vient de Dieu et peut et doit donc conduire à Dieu. Il arrive, en effet, très souvent que le croyant en admirant les conquêtes de la technique, en s'en servant pour pénétrer plus avant dans la connaissance de la création et des forces de la nature, et pour mieux les dominer, grâce aux machines et aux appareils afin qu'elles contribuent au service de l'homme et à l'enrichissement de la vie terrestre, se sente comme entraîné à adorer l'Auteur de tous ces biens qu'il admire et utilise, car il sait que le fils de Dieu est "le premier né de toutes les créatures puisqu'en Lui ont été faites toutes choses au ciel et sur la terre : le visible et l'invisible. " (Col 1, 15-16) (…)

"Cependant il paraît indéniable que cette même technique, ayant atteint en notre siècle l'apogée de la splendeur et du rendement, se transforme, par les circonstances de faits, en un grave danger spirituel. Elle semble communiquer à l'homme moderne prosterné devant son autel, un sentiment d'autosuffisance et de satisfaction vis à vis de ses désirs illimités de connaissance et de puissance (…) La technique moderne déploie autour de l'homme une vision si vaste qu'elle peut être confondue par beaucoup avec l'infini lui-même. Il s'ensuit qu'on lui attribue une impossible autonomie qui, à son tour, dans l'esprit de quelques-uns uns, se transforme en une conception erronée de la vie et du monde, désigné sous le nom "d'esprit technique". Mais, en quoi celui-ci consiste-t-il ? En ceci : que l'on considère comme donnant à la vie humaine sa plus haute valeur, le fait de tirer le plus grand profit des forces et des éléments de la nature ; que l'on se fixe comme buts, de préférence à toutes les autres activités humaines, les méthodes techniquement possibles de production mécanique et que l'on voit en elles la perfection de la culture et du bonheur terrestre".

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  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes
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La grande misère de l'ordre social est qu'il n'est ni profondément chrétien  ni réellement humain, mais uniquement technique et économique

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