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13 juillet 2007 5 13 /07 /juillet /2007 20:30
Les articles classés dans la catégorie "style de management" gagnent  à être lus dans un certain ordre (indépendemment de leur date de parution). Ils ont tous pour but de montrer que l'approche comportementaliste, propre à l'esprit américain, ne peut vraiment pas se marier avec les préceptes éthiques fondamentaux. Sujet important, car il semble  à beaucoup que l'intégration de la dimension humaine dans les styles de management atteste une préoccupation morale. Mais il ne suffit pas de parler de dimension humaine pour accéder aux notions de bien à faire ou de mal à éviter. Pour mieux suivre notre démarche, nous conseillons donc de lire les articles dans l'ordre suivant : 



Duo entre personnalisme et technocratie (cet article constitue une sorte de préambule)

Blake et Mouton  ( c'est à partir du travail de Blake et Mouton que, selon nous,  les autres systèmes de présentation des styles de management  peuvent être le mieux identifiés)

De Rensis Likert à Tannenbaum et Schmidt. : Le crédo libéral se précise.

L'impact de la cybernétique.   L'article montre que même lorsqu'on parle de relation humaine, de nombreux auteurs  ne quittent pas le prisme de la "pensée technique".

Hersey et Blanchard. Deux auteurs qui ont fait avancer la technocratie dans le domaine de la relation humaine


Dégradation de la relation humaine

Qu'est-ce que la dimension humaine ?  Cet article rapelle les finalités du travail et situe la relation humaine dans le respect de ces finalités.

Grilles de style de management : Bilan I  Conclusion sur l'aspect le plus technocratique

Grilles de style de management : bIlan II  Conclusion sur l'aspect réducteur des approches comportementalistes. Remarque sur le personnalisme qui éloigne du bien commun. Enfin, remarque sur la situation de l'encadrement.




 

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6 juillet 2007 5 06 /07 /juillet /2007 15:29

Celine Muhgot et Antoine Marie Paganelli dissertent en faisant le point sur les grilles de styles de management. Celine Muhgot, un brin provocatrice, pose naïvement les questions que poserait le quidam moyen prétri des idées du siècle. A-M Paganelli expose dans des résumés saisissants la pensée de l'ICRES.

 

Grilles de styles de management : bilan (I)

 

(I) L’aspect technocratique

 

Céline Mughot : Il nous incombe de faire le bilan des grilles de management exposées par les uns et les autres. Le but étant de faire comprendre la position de l’ICRES sur ce sujet.

 

Antoine-Marie Paganelli : Ne serait-il pas mieux d’associer Michel Tougne et Hugo Clementi dans ce travail de Bilan ?

 

C. M : Le mot d’ordre est à la délégation. Ils nous font confiance.

 

A-M. P : C’est trop d’honneur… En tant que spécialiste des théories modernes, quelles questions allez-vous me poser ?

 

C. M : Ma première question sera facile. A la relecture des articles sur les styles de management parus sur notre site, on retire la nette impression que l’ICRES ne sera jamais content ; on dirait que tout style d’organisation, quel qu’en soit l’auteur et le contexte, est d’avance condamné. D’un côté, le taylorisme et le dirigisme sont repoussés au motif que l’homme doit être sujet et non pas objet dans l’organisation du travail. Cela, tout le monde le comprend. Mais, d’un autre côté, les styles de management qui prônent la relation humaine et le respect de l’autre, sont repoussés, pour des raisons morales, et cela étonne beaucoup de monde. L’Ethique du management, à partir de la grille de Blake et Mouton ou de Hersey et Blanchard, est remise en cause. Y aura-t-il jamais un style de management qui puisse convenir à l’ICRES ? Est-ce le management en soit qu’il faut refuser ?

 

A-M. P : Essayons de nous replacer dans l’optique fondamentale de l’ICRES. D’où vient la déchristianisation, d’où vient que le travail soit à ce point déchristianisé et déchristianisant ? Bien sûr, dans sa mentalité de Quaker, Taylor pense bien faire en transformant l’homme en machine, en introduisant le calcul des temps, (car le temps est à Dieu et la moindre seconde perdue est du temps qu’on vole à Dieu). Il faut même redire que Taylor pensait (et nous n’avons aucune raison de croire qu’il n’était pas sincère) que les gains de productivité seraient partagés et que les ouvriers devaient être associés à la réflexion sur les moyens de gagner encore davantage de temps. Mais le travail réduit au geste utile (au singulier) mécanique et répétitif, empêche l’exercice normal de la moralité individuelle. L’expérience a prouvé que ce genre de sujétion entraîne la triche (déclarer bonne une pièce alors qu’elle est mauvaise, parce qu’on est payé au rendement), exacerbe la concurrence entre collègues, les tensions, voire les actes de malveillance d’une équipe vis à vis de l’autre (dérégler les machines avant de quitter le travail, afin que l’équipe suivante perde du temps à retrouver le bon réglage et fasse ainsi un moins bon score). Ces actes, qu’il faut bien appeler immoraux, résultent du mode d’organisation. Même s’ils sont régulièrement déclarés inexistants dans les entreprises, ils n’en existent pas moins. C’est à ce titre que nous refusons le taylorisme. Le taylorisme n’est pas refusé en raison de sa directivité. Il l’est en raison des comportements immoraux qu’il suscite. La directivité est bonne lorsqu’elle co-existe avec la possibilité de rester moralement responsable vis-à-vis du bien qui est à faire et du mal qui est à éviter.

 

C. M : Restons un instant sur le taylorisme. Vous ne méconnaissez pas les gains de productivité et donc l’augmentation de création de richesses que permet cette méthode de rationalisation. Ces richesses profitent à tous. Ne faut-il pas mettre ce fait dans la balance ? La recherche de comportements moraux peut-elle produire un tel progrès matériel ?

 

A-M. P : Nous retrouvons dans votre question la bonne vielle opposition entre la pensée technique, supposée efficace et la pensée morale, supposée bourrée de bonnes intensions mais inefficace. Lorsque ces deux pensées entrent en opposition, lorsqu’on fait ressortir le contraste entre l’efficacité d’une part et les bonnes intentions d’autre part, on est condamné, au nom des comportements ‘efficaces,’ à ne plus se poser de questions ni sur les buts, ni sur les finalités du travail, ni sur le contexte. On ne veut plus savoir pourquoi cette efficacité doit être mise être œuvre. Or, pour respecter l’ordre des finalités, la pensée technique doit être soumise à la pensée éthique. Le basculement de la société, au moment historique de l’industrialisation, est déterminé par le productivisme. Ce basculement ne prouve en rien que le respect de l’éthique chrétienne ait compromis l’essor d’un certain bien-être matériel compatible avec la vocation éternelle de l’homme. Il nous semble que nous avons là affaire à une superstition, à une croyance non fondée. La preuve en est que la doctrine sociale de l’Eglise assigne à l’économie la vocation de concourir à la prospérité des nations. Par ailleurs, est-il sûr que la technique apporte infailliblement opulence et bien-être ? Demandons l’avis d’un automobiliste qui reste bloqué dans sa voiture trois bonnes heures par jour. La religion de la productivité s’est montrée capable de bien des gaspillages, de crises économiques mémorables. Encore à l’heure actuelle, le chiffre du chômage n’a rien de glorieux. La religion du productivisme risque de tourner sur elle-même, à savoir que l’économie engendre des besoins économiques nouveaux si bien qu’on risque de travailler de plus en plus pour l’économie et de moins en moins pour la société. Non-sens mortel.

 

C. M : Pouvez-vous être plus explicite ?

 

A-M. P : Comparez d’une part, l’énorme marché interentreprises et le marché des consommateurs. Considérez d’autre part les sommes investies pour contrer et pour renforcer la concurrence. Enfin, regardez la facilité avec laquelle nos plus grosses entreprises, malgré tous les milliards investis, restent fragiles et menacent de devoir licencier massivement à tout moment. N’est-il pas paradoxal qu’elles tirent leur importance de la dépression qu’elles risquent de provoquer à longueur d’année ?

 

C. M : En conclusion ?

 

A-M. P : La conclusion, pour ce qui est du taylorisme, est que nous devons savoir de quoi nous parlons. Ce n’est pas tant le côté dirigiste qui retient notre attention que le type d’organisation mise en place : il faut toujours laisser à l’homme la possibilité d’exercer ses facultés morales, car il est responsable du bien ou du mal qu’il fait. En second lieu, le productivisme, érigé en religion collective, ne dispense pas de la nécessité de rester soumis aux préceptes moraux et ne garantit en rien que l’économie soit ordonnée à la société. Le contexte actuel montre bien que l’économie incite la société à s’adapter à elle alors qu’il conviendrait que l’économie soit capable de s’adapter à la société. Tel est l’enjeu.

 

C. M : Le productivisme a donc donné le jour à des colosses aux pieds d’argiles, qui dans leur chute, risquent de causer biens des dégâts. Mais, en disant cela, nous ne restons pas dans l’appréciation des styles de management.

 

A-M. P : Nous n’y restons pas, pour la bonne raison que nous n’avons pas vocation à y rester. L’ICRES n’est pas un institut destiné au seul monde du travail. Notre enquête s’étend à la société dans son entier. C’est du point de vue de la société que nous évaluons chrétiennement ce qui se passe dans l’entreprise.

 

C. M : Ce point devait en effet être rappelé. Mais vous devez d’autant plus nous expliquer les réticences de l’ICRES vis-à-vis des modèles Blake et Mouton ou Paul Hersey et Kenneth Blanchard. Arrêtons là provisoirement nos échanges, afin de ne pas lasser l’attention vigilante du lecteur. Nous retenons que les grilles de management ne donnent aucune possibilité de conduite morale par l’approche technique du management Il nous reste donc à examiner une autre fois ce qu’il en est des styles ‘à personnel orienté.

 

A-M. P :, C’est là que l’ICRES a quelque chose à dire car la question est importante.

 

 

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23 mai 2007 3 23 /05 /mai /2007 21:35

Voici la deuxième partie du bilan des grilles de management. A-M P défend le point de vue de l'ICRES et montre que même si la relation humaine occupe le devant de la scène, la dimension morale n'en est pas assurée pour autant. Constat intéressant qui remet en cause bien des croyances.

Grilles des styles de management : bilan (II)
L'aspect humaniste


C. M : Vous deviez nous parler des grilles de management qui intègrent non seulement l’aspect technique, que nous avons déjà traité, mais également l’aspect relationnel, et humaniste par l’intérêt porté aux hommes, allez-vous nier que le management réintègre la dimension morale ?

 

A-M. P : Tout à fait. L’intérêt porté aux hommes ne suffit pas à faire apparaître l’éthique du travail. Dans son article sur la grille de Blake et Mouton, Hugo Clementi a fort bien expliqué les raisons de nos réticences : d’une part, l’aspect réductionniste coupe l’analyse d’une situation de son contexte et partant, interdit la réflexion éthique. Pour juger de la moralité d’un acte, il faut, au minimum, en examiner l’objet. Il y a, dans la vie des entreprises, des objets qui peuvent être absolument mauvais, comme tromper sur la qualité de produits alimentaires et compromettre ainsi la santé de consommateurs, ou encore fabriquer des pilules abortives. Il est bon d’examiner les circonstances dans lesquelles s’effectue un acte. Prenons l’exemple d’un responsable de production où le coût de la main d’œuvre est élevé. Il demande en fin d’année à son personnel de travailler en heures supplémentaires et en productivité maximale. Son objectif est de reconstituer les stocks. Il pourra inclure la production dans son chiffre d’affaires, la valoriser avantageusement, et améliorer le résultat des comptes, qui sans cela seraient déficitaires. Si l’on sait que cette production faite en urgence ne se vendra qu’au rythme habituel et qu’il était inutile de remplir les stocks, le travail en fin d’année ressemble à une tromperie. Quelle grille de management pourrait en rendre compte ? La moralité s’évalue à la fin poursuivie : par exemple, travailler à l’élimination d’un collègue et de son plus démontrer l’inutilité d’une personne. Prenons le cas d’un service commercial faisant le tour de la clientèle afin de recueillir les plaintes des clients et démontrer ainsi la nullité d’un responsable production. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Sans autre précision, il est impossible de juger, mais on conviendra que cet acte ne peut échapper à une certaine évaluation morale. Or, aucune grille ne permettra l’évaluation morale de cet acharnement. Les grilles ne font état que de la motivation des personnes et de leurs compétences. Or, ces considérations demeurent périphériques à la préoccupation morale.

 

C. M : Donc, vous constatez le coté parcellaire des grilles et l’impossibilité d’englober ce qui est le propre du jugement moral. Est-ce là le centre de votre argumentation ?

 

A-M. P : Exactement. Nous disons ceci : la morale est le propre de l’homme. Si les grilles de jugement qu’on lui propose ne rendent plus compte de l’aspect moral, si le positivisme l’emporte (car le positivisme est présent dans la définition que les grilles donnent de la relation humaine), alors, les actes humains perdent leur signification. L’enjeu est le suivant : ou bien on revendique le droit de cité de la morale au travail, et l’on est obligé de conclure à l’insuffisance des techniques de management. Ce constat risque d’être déstabilisant. Ou bien l’on opte pour le monde positiviste du management en arguant du fait que l’économie est le domaine de l’efficacité, du pragmatisme et qu’on ne peut lui contester sa nature. Dans ce cas, la revendication morale est définitivement étouffée.

 

C. M : Donc, ni humanisme, ni technocratie. A quoi sert donc la hiérarchie d’entreprise ?

 

A-M. P : Le rôle essentiel d’une hiérarchie est de concourir au bien commun. Et ce n’est que secondairement qu’elle se préoccupe du bien de chaque membre d’une communauté. Tous les styles de management ‘‘à personnel orienté’’ comportent un préjugé personnaliste, qui assigne à la hiérarchie le devoir de s’occuper des individus. Il est idéaliste et non réaliste de croire que dans le travail comme dans les autres situations de la vie, la relation humaine soit première. Contre un certain personnalisme, nous disons que le bien ou le mal se discerne à partir d’une situation concrète et non à partir de la seule expérience des relations. C’est d’abord le bien commun, c'est-à-dire la santé globale de l’entreprise, en tant que communauté de travail, qui commande les relations.

 

C. M : Mais justement, dans le cas du management situationnel, Hersey et Blanchard partent de la situation.

 

A-M. P : Ils partent d’une situation, avec l’a priori de faire du manager un éducateur pour les besoins de la production. Leur allure est pédagogique, leur préjugé cybernétique. Phase I : on montre de manière directive ce qu’il faut faire. Phase II, on favorise l’intériorisation par la motivation. Phase III, on fait pratiquer, en accompagnent plus ou moins l’apprenant. Phase IV, l’apprenant est maintenant autonome, il en sait assez : on lui laisse faire seul le travail. Ce cursus pédagogique est très certainement applicable. Mais il n’est pas le seul possible. Il n’est pas non plus sûr qu’il convienne dans tous les cas. Quant au responsable hiérarchique, il peut bien être de temps en temps formateur. Mais son rôle ne se réduit pas à cela. Faire de l’encadrant un éducateur qui motive les gens et les rend autonome, c’est très certainement une exagération personnaliste qui ne correspond pas vraiment au travail d’encadrement. Pour remettre les choses d’aplomb, la réflexion doit graviter autour du bien commun de l’entreprise inscrite dans son contexte social et non plus sur les personnes.

 

C. M : Il est probable que vos conclusions rejoignent celles de responsables ou de théoriciens qui ont l’expérience de l’organisation. Dès lors, comment expliquer l’insistance sur le personnalisme de la part de personnages qui n’ont pas tous l’amour de l’humanité en priorité absolue ?

 

A-M. P : Le personnalisme permet un artifice de gouvernement. Si une personne fait une observation sur l’organisation ou sur la marche générale d’un service, bref, si elle parle d’un sujet de ‘politique d’entreprise’, on peut transformer ses attentes en problèmes personnels. On éloigne ainsi la personne du problème politique . Il ne s’agit pas de réduire cette manipulation à une tentative d’acheter tel ou tel personnage. C’est beaucoup plus fondamental. C’est une politique générale qui préconise le traitement des observations portées sur l’entreprise et sur l’organisation du travail en termes de problèmes personnels. Voulez vous un exemple ?

 

C. M : Nous verrons tous mieux de quoi il retourne

 

A-M. P : Exemple : Pierre est un chef d’équipe expérimenté. Il trouve que le recours à l’intérim n’est pas toujours adapté, car le travail n’est pas fait aussi bien que par les professionnels de l’entreprise. Il préfèrerait ou bien avoir recours toujours aux mêmes intérimaires, ce qui est impossible, ou bien organiser des équipes de ‘polyvalents’ internes pris dans d’autres services, et que l’on formerait aux postes les plus délicats, les intérimaires n’étant appelés que pour des postes moins qualifiés. On fait parler Pierre sur les difficultés personnelles qu’il a rencontrées. Quelles mesures a-t-il prises ? Ne peut-il pas améliorer son organisation ? « On n’est jamais sans pouvoir rien faire »…Mais on l’assure qu’on répercutera ses remarques auprès de la maison d’intérim « qui doit être capable d’envoyer du personnel qualifié ». On lui demande enfin si la formation l’intéresse ? Il répond : oui. Il y a justement un projet de mise en place de nouvelle machine… On peut envisager de l’envoyer en formation 3 jours chez le constructeur, Société XX, pour qu’il puisse former ensuite son personnel. Il paraît que les personnes reçues chez eux en formation, sont très bien traitées… On lui recommande la discrétion, parce que le projet n’est pas encore finalisé… On le remercie d’avoir apporté ses remarques. On lui assure enfin qu’on ne l’oubliera pas et qu’on saura reconnaître ses services.

 

C. M : Nous voyons en effet beaucoup mieux de quoi il retourne. Avez-vous d’autres exemples ?

 

A-M. P : Oui, mais je préfèrerais parler de l’effet déstabilisant sur l’encadrement de ce personnalisme officiel. La croyance établie est que la motivation est le moteur de la réussite. Or, c’est l’encadrement qui est responsable de la motivation. Logique imparable : si le personnel se plaint, c’est que l’encadrement n’a pas su motiver son personnel. C’est ainsi qu’on fait supporter à la hiérarchie intermédiaire les « contradictions de l’organisation », comme disent les sociologues. Le consensus étant aux progrès, à la performance, à la remise en question, à l’adaptabilité, à la flexibilité, à la motivation et à l’enthousiasme, il est mal venu d’évoquer les « problèmes » qui risquent d’être pris pour des maladies honteuses.

 

On parle, depuis une dizaine d’année, du malaise des cadres. On accuse le harcèlement des uns sur les autres, le surmenage. Curieusement, on transforme un problème de politique d’entreprise en problème de comportement personnel. Il faudrait revisiter les politiques managériales sortir du positivisme, remettre à l’honneur la véritable éthique du travail.

 

 

 

 

 

Les syndicalistes procèdent parfois à l’inverse. Ils tentent d’exploiter les mécontentements individuels pour en faire, de manière ambiguë, un problème global de politique d’entreprise.

Sur le plan général de la société, chaque campagne électorale nous donne l’illustration de la méthode du personnalisme qui transforme les problèmes politiques en problèmes catégoriels, voire individuels. « J’ai entendu les questions concrètes que vous vous posiez, j’ai entendu aussi votre colère et vos angoisses. J’ai retenu votre désir de plus de justice et bla bla bla. » Ce qui se passe dans l’entreprise nous montre souvent, en plus net, ce qui se passe sur le plan global de notre société moderne.

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15 mai 2007 2 15 /05 /mai /2007 14:19

Critique du modèle Hersey et Blanchard

 L’influence de la pensée cybernétique n’est pas restée sans effet sur le management. On trouve en particulier le modèle cybernétique dans le management situationnel de Hersey et Blanchard. On se rappelle que ces auteurs passent du management directif, lorsque les gens ne sont pas ou sont peu compétents, ou pas ou peu motivés, au management délégatif, lorsque les gens sont compétents, motivés, impliqués et capables d’entretenir de bonnes relations professionnelles. Dans le style directif la hiérarchie intervient ; dans le style délégatif la hiérarH-et-B.jpgchie se fait discrète et laisse les acteurs prendre les initiatives et les responsabilités. Cette variation du management en fonction des situations présente un côté indubitablement très rationnel. Encore faut-il en percevoir le substrat qui est la pensée cybernétique.
 

L’organisation du management sur modèle cybernétique explique pourquoi le responsable laisse ses collaborateurs deviner ce qu’il faut faire, mais reste prêt, tel le loup, à sortir du bois si l’objectif n’est pas atteint. On comprend aisément l’insuffisance d’un système d’information qui n’est que négatif et qui n’agit que pour rectifier une trajectoire en imprimant, par des moyens divers, une contrainte. Si les choses vont bien, la rétroaction ne fonctionne pas, si les choses vont mal, elle fonctionne. Cette conception cybernétique est très différente de celle qui conçoit l’information non pas comme devant apporter une contrainte, mais comme une nourriture indispensable à une collaboration véritable.


L'homme devient un objet technique

Comment est-il possible que la cybernétique puisse prétendre être une théorie de communication et d’organisation humaine ? Cette prétention ne fait nul doute. Paul Idatte, dans l’ouvrage déjà cité, écrit p. 10 « Si extraordinaire que cela puisse paraître, il a fallu attendre 1948 et cet homme de génie que fut Norbert Wiener pour que cette évidence nous fut révélée. Wiener nous a appris à regarder d’un œil ingénu les systèmes cybernétiques et particulièrement les machines. Celles-ci nous ont alors renvoyé notre image et nous avons reconnu en elles la notre : telle qu’en nous – et en elles – l’éternité nous change. (…) Il a souligné l’identité fondamentale des systèmes cybernétiques construits par l’homme et de ceux que construits la nature, c’est à dire les êtres vivants, et l’homme lui-même »

 Voici donc l’homme produit à l’image de la machine et non plus à l’image de Dieu … Comment en est on arrivé là ?
 Le propre de la pensée technique est de modéliser les phénomènes. En science ou en technique, un modèle est d’abord une production de l’esprit. Il n’est pas fait pour « connaître », mais pour figurer des phénomènes, pour les reproduire ou pour les simuler. Mais l’esprit moderne a tôt fait de prendre sa production pour la réalité elle-même. Le modèle devient la référence et passe pour plus vrai que la réalité elle-même. C’est le propre de l’idéalisme.
 
Voici démontrée, une fois de plus, la prétention de la pensée technique à régenter l’humain. Cette pensée n’arrive pas à faire la distinction entre une modélisation et la réalité. Par la modélisation, elle atteint certains aspects de la réalité dans ses manifestations et obtient au niveau des prédictions ou des résultats observables certaines équivalences. Nous ne le nions pas. Mais la pensée technique, forte de ce premier succès qui concerne l’extérieur et la surface des choses, croit avoir cerné l’essentiel et l’être même de son objet. Là est son erreur. Là réside le danger de la pensée technique appliquée à l’homme et à la société humaine, car elle va vouloir ramener la réalité à ses propres concepts réducteurs mécanistes.
 
Le modèle cybernétique se compose toujours d’une situation de départ (le signal d’entrée), d’une situation cible (le signal de sortie), de la mise en place de moyens (le moteur) et d’un système d’information fonctionnant en rétroaction, permettant de guider une action. De telles généralités s’appliquent à n’importe quel système. D’ailleurs, la cybernétique se définit comme une théorie des systèmes. C’est pourquoi on l’appelle « théorie systémique », qu’il s’agisse d’un système mécanique, de la météorologie, d’une certaine conception de l’écologie, des sociétés animales, de l’homme ou de la société humaine.
 
Cette modélisation n’apprend rien sur la nature des choses. C’est l’exemple type du schéma finalisé vers l’action qui, pour permettre l'action, croit devoir se fermer au monde qui l'entoure. L'aspect immédiatement nocif, voire dangereux, est que la rétroaction (exercée par le 'manager') équivaut à une action négative sur le 'managé'
 La méconnaissance de la nature du sujet humain, de la nature du travail et des finalités y afférantes, enferment le management dans son univers moralement agnostique où ne compte que le résultat. Cette mentalité explique le désintérêt de certaines entreprises pour la société qui les entoure et qui demandent aux institutions de s'adapter toujours plus 'aux conditions économiques'
 

Icres

 

Voir à ce propos notre cahier Icres n°1 vol 2 « Les styles de management : principaux auteurs ». Nouvelle édition vol Janvier 2005

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15 mai 2007 2 15 /05 /mai /2007 12:35

La cybernétique peut-elle rendre compte de la relation humaine? Faut-il accepter la cybernétique comme un modèle viable d’organisation humaine ? Pour répondre à ces questions, examinons ce qui relie les divers éléments d'une système, à savoir : 'l’information'. Examinons en la fonction et la nature.

 

 

DEGRADATION DE LA RELATION DE TRAVAIL
EN MECANISME REGULE PAR ASSERVISEMENT

Caractéristiques de l’information propre à la cybernétique

 

Le système cybernétique ne peut produire qu’une seule sorte d’information, celle pour laquelle il a été fabriqué. Dans le cas du management, l’information à produire ne peut être que celle de l’état d’avancement d’une réalisation allant vers une situation cible. Le système produit une information dont la finalité est de guider l’action. Cette information ne peut servir à élaborer de nouvelles procédures, un changement de cap ou l’arrêt de l’action. Si cette éventualité se produisait, on sortirait du système cybernétique. Aussi est-il difficile, dans une situation concrète, de faire accepter des informations autres que celles conçues pour faire marcher le système. L’expérience montre que tout cela est défavorable à la communication. On peut dans un tel contexte, passer très facilement à côté d’une information importante.

Une équipe de nuit s’était rendue compte qu’un système de primes, récemment instauré par la direction, les désavantageait par rapport aux équipes de jour. Ils font part de leur mécontentement au contremaître qui en rend compte à l’ingénieur production dès le lendemain. Mais celui-ci fait remarquer au contremaître que le système de primes n’est pas un problème dans ses attributions. Ce qui importe à l’ingénieur, c’est le taux médiocre de productivité. Il dit au contremaître de mieux surveiller son équipe et de tout faire pour respecter les standards. La productivité ne se relève pas. Le contremaître a le plus grand mal à contenir son équipe qui traîne les pieds. Le temps des pauses s’allonge. Selon certains bruits, des opérateurs seraient sortis de l’entreprise pendant le temps de travail. Difficile à vérifier. L’ingénieur, poussé par la direction, fait d’autres observations au contremaître. Finalement l’équipe de nuit se met en grève. Motif : le système de primes. C’est alors que le directeur fait le reproche au contremaître de ne pas avoir fait remonter les infos sur l’équipe ou du moins de ne pas avoir assez insisté sur le mécontentement de l’équipe.

Concrètement, il est difficile d’expliquer à un Directeur que certains éléments inattendus modifient les urgences, qu’il faut s’occuper d’autre chose que de l’objectif ou bien qu’il faut choisir un autre objectif. La modélisation de l’action par la cybernétique confère aux relations de travail une certaine rigidité mécanique. Changer la nature de l’information supposerait qu’on accepte de changer le système de pensée, qu’on remette en cause le mécanisme d’action et de contrôle d’abord mis en place.

Certes, une entreprise ne peut pas se permettre de remettre en cause les objectifs dès qu’une personne croit avoir une information importante à donner. Nous concédons volontiers que pour certains, rien n’est jamais simple et que tout se complique inutilement. Il faut donc avoir un jugement pondéré, pouvoir évaluer le bien-fondé d’une information qui perturbe les plans établis. Mais l’important est de voir ici que l’organisation cybernétique est incapable, par construction, de prendre en compte les informations qui n’alimentent pas le système.

 

Or, l’information propre à la cybernétique n’a que pour but de permettre au système de fonctionner. Toute information indiquant que le système ne doit pas fonctionner, qu'il vut mieux modifier sa conception n'est pas la bienvenue. Un directeur, auquel un cadre expliquait le pourquoi des difficultés rencontrées, répondait : « arrêtez de m’expliquer pourquoi nous perdons de l’argent. Expliquez-moi plutôt comment nous allons en gagner. ». L’action une fois lancée, l’information n’a jamais pour fonction d’invalider ce qui est décidé, ni d’ouvrir des perspectives nouvelles ni de changer d’orientation. Elle ne prend jamais de recul par rapport au système. Les hommes de terrain expérimentent chaque jour cette difficulté qui n’apparaîtra pas immédiatement à la tranquille lecture de ce cahier. Une autre anecdote illustrera notre propos.

Un contremaître expérimenté avait imaginé modifier l’implantation de son atelier et espérait gagner du temps en évitant des allées et venues nombreuses et fatigantes. Il prend le soin de faire quelques croquis et de mettre par écrit ses suggestions. Puis, il montre son travail à son responsable, qui trop occupé par des problèmes de qualité qui étaient l’objectif du moment, ne sait qu’en penser et transmet le tout au Bureau d’études. Quelques temps après, alors que le contremaître était sans nouvelles de son projet et croyait que l’idée était tombée à l’eau, voici que l’atelier est transformé en un temps record pendant un week-end de Pentecôte. Le contremaître dit : mais c’est mon idée ! Le Bureau des études, qui n’avait même pas été informé de l’origine du dossier, avait bien sûr retravaillé les plans. Il s’étonne fort de voir le contremaître revendiquer la paternité d’un travail qui avait demandé dans l’ensemble deux bonnes centaines d’heures.

Les relations appauvries, calibrées et conditionnées pour un contexte déterminé, ne peuvent pas prendre en compte les cas imprévus qui remettent en cause budget temps et budget financier. Quant à l’origine des idées, le contexte est bien trop dépersonnalisé pour qu’on s’y arrête.

3.) En cybernétique, l’information produite doit être claire et sans équivoque. Elle est le plus souvent réduite aux chiffres, à la mesure des écarts ou au simple signal. La communication est pauvre, dépersonnalisée, qu’importe ! Elle est pertinente si elle permet de réajuster le système en agissant sur le moteur. Un bon système est celui qui produit les informations permettant de maîtriser les aspects aléatoires de l’environnement susceptibles d’empêcher le système d’aller vers son but. L’information a donc comme fonction d’assurer la connaissance de l’environnement par une surveillance permanente. C’est ainsi que le contrôle prend, dans les entreprises, des dimensions de plus en plus importantes. La part du temps de travail consacré à la mise en place, l’application et le contrôle de procédures devient prépondérante. Ce contrôle est du reste un des facteurs qui déshumanise le plus les relations de travail : multiplication des indicateurs, des tableaux de bord, etc. Nous avons connu un directeur d’établissement qui ne faisait plus que du reporting et qui n’avait plus le temps de voir ses collaborateurs. Le système d’information visant à la maîtrise parfaite de l’environnement a quelque chose d’impressionnant. Dans un établissement où nous intervenions, le directeur se plaignait de se sentir sous surveillance constante. Un matin, vers 10h. une palette pleine de produit fini se renverse lors d’un transport trop rondement mené. Ce directeur nous prévient : je vais recevoir un coup de fil du siège sans tarder. Souffrait-il d’un complexe de persécution ? Le siège de cette entreprise était distant de plusieurs centaines de kilomètres. Or, moins d’un quart d’heure plus tard, il recevait effectivement ce coup de téléphone. Un individu, non identifié, servait de capteur des anomalies qu’il basculait sur le comparateur, en l’occurrence le patron, lequel envoyait sans tarder le signal négatif en rétroaction sur le responsable de l’établissement.

Dans le contexte cybernétique, le contrôle devient institutionnel. Nous y reviendrons.

L’information n’est utile qu’à la condition d’être renvoyée sur le système en rétroaction. Sans cela l’information ne remplit pas sa fonction corrective de la marche vers l’objectif. C’est la rétroaction qui permet l’autorégulation. En conséquence, toute information qui ne remplit pas ce rôle est non souhaitée. Dans l’entreprise, les personnes qui s’habituent à ce système de « communication » en prennent bientôt l’esprit et restent sourdes à des demandes ou des observations qui ne sont pas, à proprement parler, en rétroaction sur leur système. Exemple : les chiffres de la comptabilité montrent un dépassement du budget du service maintenance. On en fait l’observation à son responsable. Celui-ci pense qu’il faudrait, pour mieux responsabiliser les techniciens, faire coïncider l’enregistrement des dépenses avec leur secteur de responsabilité. En effet, les chiffres globaux donnés par la comptabilité ne permettent pas de recouper les dépenses par secteur. Le budget n’est d’ailleurs pas établi secteur par secteur, à cause de la structure comptable actuelle. Le responsable demande donc à la comptabilité s’il serait possible d’effectuer ce nouveau découpage comptable. Mais il n’entre pas dans les objectifs du chef comptable de faire ce nouveau découpage, lequel demanderait de multiplier les codes par trois ! La demande de la maintenance ne vient pas en rétroaction sur la comptabilité pour corriger sa marche vers l’objectif déjà tracé : elle est hors du système. En conséquence, la demande est inopérante et n’est simplement pas prise en compte.

5.) L’information en rétroaction, émise par le comparateur, est toujours « négative ». Que faut-il entendre par-là ? Dans l’exemple de la D.C.A., le projectile devant atteindre l’avion décrit une courbe. S’il doit changer cette courbe une information est émise. Le comparateur, après mesure de l’écart, envoie donc un signal propre à modifier la course de l’engin, lui imprimant ainsi une contrainte. L’information cybernétique corrective du comparateur ne se produit que s’il y a écart : si le projectile est dans la bonne direction, le comparateur ne produit pas d’information : l’ordinateur n’a rien à calculer ; il n’y a aucune modification à opérer. Par conséquent, l’information ne comporte jamais de confirmation : elle se contente de corriger les dérives. Elle ne comporte aucune incitation à continuer dans le bon chemin, mais seulement une contrainte corrective en cas d’écart avec le but fixé. L’information correctrice est essentiellement négative.

On comprendra que la parenté de pensée du management fondé sur la cybernétique avec F. E. Fiedler . Ce dernier notait l’augmentation des performances avec l’insatisfaction. Voici la courbe qu’il proposait

Courbe de performance de Fiedler

Courbe-de-Fiedler.jpg

L’augmentation spectaculaire du rendement est censée apparaître avec la peur et l’angoisse. Au delà, le sujet humain s’effondre.

Antoine -Marie Paganelli
.

 

 

 

 

 

 

 

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15 mai 2007 2 15 /05 /mai /2007 10:17

L’IMPACT DE LA CYBERNETIQUE

Ce qui pervertit le management participatif, c’est l’arrière plan technocratique. C’est la croyance dans la possible modélisation de tous les comportements humains, y compris les comportements libres. C’est l’idée néfaste que le sujet humain peut se ramener à un objet. Le modèle de Hersey et Blanchard se rattache évidemment à la lignée des théoriciens qui ont estimé, depuis Blake et Mouton, qu’il était utile de recenser les divers types de managements. Mais leur pensée s’insère plus particulièrement dans le contexte de la direction par objectifs (DPO) . Cette direction suppose les hommes intelligents et capables de prendre des responsabilités de manière autonome. Est-ce la fin des tâtonnements, des hésitations, des erreurs sur la nature humaine ? Hélas, non ! L’arrière plan reste technocratique. La trilogie Performance - Autonomie - Responsabilité est loin d’être sans problèmes. Les dérives s’expliquent en grande partie par le contexte d’émergence de la direction par objectifs. Cette méthode de direction s’enracine dans le courant « sociotechnique » dont les initiateurs sont d’éminents représentants du développement de la pensée cybernétique.


Le contexte d’origine

En fait, l’organisation par objectifs a été formalisée par la pensée cybernétique du Tavistock Institute of Human Relations de Londres. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont développé la même pensée cybernétique dans le contexte de la deuxième guerre mondiale. Mais de quoi s’agit-il

La cybernétique est l’art de « gouverner » ou, pour être plus précis, de diriger des objets en mouvement, de les téléguider. La défense contre avions (D.C.A.) a été le lieu où les premières réalisations cybernéti­ques ont vu le jour. Il s’agissait, grâce à des machines précises et efficaces, d’effectuer ce que l’homme ne pouvait faire qu’avec imprécision et inefficacité.

Cyber-1.jpg

 

Dans le système D.C.A. il y a une cible mouvante : l’avion ennemi ; il y a aussi un missile suivant une trajectoire ; le but étant de faire que le missile et la cible mouvante se rencontrent. L’estimation humaine est remplacée par le calcul des machines. Un radar de détection renseigne perpétuellement sur la position de l’avion à détruire ; l’ordinateur calcule le réajustement de la trajectoire du missile afin d’arriver avec une précision presque infaillible à la destruction de l’avion. Dans l’exemple de la D.C.A., on voit que la cible, le projectile, l’appareil de détection et l’ordinateur constituent un ensemble dont chaque élément est en rapport avec les autres. Ces éléments forment ce qu’on appelle un système. Le missile est doté d’un moteur, l’ordinateur qui mesure l’écart entre les trajectoires est un comparateur et les signaux échangés par l’appareil de détection, l’ordinateur et le projectile constituent une boucle de retour permettant de rectifier la trajectoire du projectile.

 

Afin de mieux comprendre les développements qui vont sui­vre, nous proposons de décrire un système cybernétique sim­ple tel qu’une chaudière munie d’un thermostat. Sup­posons que pour garder une pièce à une température cons­tante de 20°, il faille que l’eau du chauffage central se maintienne entre 25° et 35°.

 

cyber-2.jpg

Lorsque la température de l’eau atteint 25°, un capteur envoie un signal au comparateur (le thermostat) qui déclenche le moteur (le système de chauffage). L’eau se réchauffe progressivement. Lorsqu’elle atteint 35°, un autre capteur envoie au comparateur un signal d’arrêt. Le moteur s’éteint et l’eau commence à se refroidir. Dans cette description schématique, la température de l’eau à 25° est le signal d’entrée, la température de l’eau à 35° est le signal de sortie. La chaudière avec son brûleur, est le moteur ; le thermostat est le comparateur. Les signaux captés envoyés par le comparateur à 25° et 35° et les signaux qu’il envoie au moteur constituent le circuit d’information branché sur le sys­tème qu’on appelle boucle de retour ou rétroaction, ou feed-back.

 

Sommes-nous loin du management ? Qu’y a-t-il de commun entre le système de la D.C.A. et le management ? Par sa puissance de modélisation la cybernétique voit une analogie là où l’expérience humaine ne voit d’abord aucune ressemblance. Dans Clés pour la cybernétique, Paul Idatte met bien en relation management et cybernétique : « Il n’est pas toujours facile de discerner dans une machine administrative les éléments cybernétiques fondamentaux qui la constituent : moteur, comparateur, boucle de retour. La raison en est qu’elle doit généralement assumer deux fonctions déjà évoquées et étroitement imbriquées l’une dans l’autre, en principe complémentaires, mais qui parfois s’opposent : une fonction de production et une fonction d’autoconservation.

Prenons le cas d’une entreprise industrielle. Elle doit d’abord produire. A ce titre le moteur est constitué par l’ensemble de son personnel. Le comparateur, d’où émanent les ordres, n’est autre que la Direction, laquelle fait à tout instant la comparaison entre le chiffre fixé pour la production qui sert de signal d’entrée et le chiffre effectivement atteint qui fait office de signal de sortie. La boucle de retour est ici formée par les organes de comptabilité technique.

Mais l’entreprise a une deuxième fonction : assurer à son personnel le maximum d’avantages ou si l’on veut de « bonheur ». Elle fonctionne donc comme un véritable organisme politique au sens large du mot.

 Le moteur est alors constitué plus spécialement par les cadres de l’entreprise, qui, à des titres divers, actionnent l’ensemble du personnel, le comparateur restant la Direction. La boucle de retour est formée par les organismes à caractère social propres à l’entreprise : les cadres, les assistantes sociales, les délégués, le comité d’entreprise, etc. »

 

 

Nous sommes donc en plein management. Dans la direction par objectifs, la situation cible est le résultat recherché ; le moteur sont les moyens à mettre en place ; l’information, constituant la boucle de retour sert au suivi de l’avancement et aux actions correctives éventuellement nécessaires ; le comparateur est à la fois la Direction et le Cadre responsable de l’objectif. Ils doivent interpréter les résultats intermédiaires pour savoir si l’on dévie ou si l’on est bien dans la bonne direction et dans les temps.

 

Parmi les initiateurs de cette pensée, qui s’intéresse à la sociologie des organisations, citons E. Trist et F. Emery représentants pour la Grande-Bretagne, mais aussi le Canadien Elliot Jaques. Aux Etats Unis, Norbert Wiener est l’initiateur le plus connu de la cybernétique. Les ouvrages que nous retenons sont :

Elliot Jaques : A General Theory of Bureaucracy, Heinemann, Londres, 1976 ; N. Wiener, Cybernétique et Société, Collection Le Monde en 10 x 18, 1948 ; Paul Idatte, Clés pour la cybernétique, Seghers, 1969

Un modèle en science ou en philosophie est une construction de l’esprit servant à représenter les phénomènes naturels. Par une curieuse inversion, le phénomène naturel, simulé par le modèle, semble imiter la construction de l’esprit aboutissant au modèle. Un modèle ne sert pas à connaître. Il sert à simuler le déroulement d’un phénomène naturel. Par exemple il existe des modèles qui simulent les activités économiques, le marché boursier, le mouvement des astres etc. les modèles servent en fait à programmer l’intervention de l’homme. Ils découlent d’une philosophie ou l’agir est prépondérant et supplante la connaissance spéculative.

Paul Idatte, Clés pour la cybernétique, Seghers, 1969 – Paul Idatte est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique. Général, il a enseigné dans les Grandes Ecoles et il a fait plusieurs interventions à la Société Française de Cybernétique et à l’Association de Pédagogie Cybernétique.

On notera que les cadres sont à la fois le moteur du « bonheur » du personnel et la boucle de retour. Ils sont donc en rétroaction négative sur eux-mêmes. L’imprécision de la pensée va de pair avec sa faiblesse.

On remarquera dans cette citation l’application de la terminologie technique à la réalité humaine, ce qui autorise ce courant de management à se dénommer « sociotechnique », le côté social étant inclus dans la modélisation cybernétique de l’entreprise.

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14 mai 2007 1 14 /05 /mai /2007 14:58

Après avoir classé les styles de management d'après les hommes (Blake et Mouton), d'après la société (Mc Gregor) et les structures d'entreprises (Rensis Likert), Hersey et Blanchard (1971), proche des travaux de F. E. Fiedler  (1967), classent les styles en fonction des situations à traiter. Qui peut dire que les auteurs des théories de management ne pensent pas à tout ?

 

- Les comportements relationnels embrassent toutes les rela­tions personnelles entre le leader et les membres de son groupe. Par ces relations, on cherche à obtenir ou à modifier certains comportements. Le modèle de Hersey et Blanchard se comprend par la cybernétique La cybernétique se définit comme la science ou l’art du gouvernement. C’est une pensée qui conçoit l’action à l’intérieur d’un système. En matière de relation, le système se compose du comportement du collaborateur, du comportement à obtenir, de la mesure de l’écart entre les deux comportements, et de l’action du leader pour modifier le comportement du collaborateur. Cette vision mécaniste n’empêche pas qu’on parle de comportement relationnel. On exprime des sentiments ou encore on « régule » tous les comportements de communication interpersonnelle qu'elle soit de groupe ou d'individu à individu.

Voici en figure ci-après quatre possibilités définissant quatre styles servant de base au modèle.

Fig-1-H-er-Bl.jpg

Cadran no. 1 : Les décisions prises reflètent des comportements instrumentaux plutôt intenses et des comportements relationnels plutôt faibles.

Cadran no. 2 : Les décisions prises reflètent des comportements instrumentaux plutôt intenses et des comportements relationnels également plutôt intenses.

Cadran no. 3 : Les décisions prises reflètent des comportements relationnels plutôt intenses et des comportements instrumentaux plutôt faibles.

Cadran no. 4 : Les décisions prises reflètent des comportements relationnels plutôt faibles accompagnés de comportements instrumentaux également faibles.

La détermination d’un style est d'une utilité limitée. On comprend aisément que l’efficacité importe plus qu’un style défini. Les situations changeant, il importe de pouvoir changer de style : ceux qui peuvent adapter leur comportement afin de répondre de façon modulée a la complexité de chaque situation ont plus de chance de pouvoir être efficaces, ce qui ne veut pas dire que le changement de style soit la garantie de l’efficacité. Le changement doit être adapté. A ce titre, la théorie de Hersey et Blanchard permet d'ajouter deux concepts clé à la détermination de style de management : le concept d'adaptabilité ; le concept d'efficacité.

0n appellera adaptabilité du style de leadership, la capacité qu'a le leader d'adapter son style à une situation donnée. (Hersey & Blanchard 1972).

Un leader, dont le style varie faiblement, peut être un leader efficace pendant une longue période s'il se cantonne à des situations dans lesquelles son style a une forte probabilité de réussir. Inversement, une personne jouissant d'une marge de variation assez large dans ses styles, peut être inefficace si ses comportements ne sont pas adaptés aux besoins de la situation. C'est pourquoi la marge de variation du style détermine son potentiel d'adaptation plutôt que son efficacité ; une marge de variation étendue ne garantit pas l'efficacité du style.

Si l'efficacité d'un style dépend de la situation dans laquelle ce style est utilisé, il s'ensuit que chacun des quatre styles de base indiqués sur la figure ci-dessus peut être, soit efficace, soit au contraire inefficace, selon la situation. La différence entre un style efficace et un style inefficace réside souvent, non pas dans un type de comportement à incriminer plus qu'un autre, mais dans l'adaptation ou l’inadaptation d'un comportement donné à la situation qu'un leader doit traiter.

Afin d'illustrer cette idée, tout en utilisant les travaux précédemment effectués dans ce domaine, une dimension d'efficacité, i.e. d'adaptation, a été ajoutée aux deux dimensions proposées précédemment. Ceci a donné naissance au modèle à trois dimensions de l'Efficacité du Leader (Hersey & Blanchard, 1972)

Cf. figure ci-après :


Fig-2-H-et-Bl.jpg

 

  Nous choisissons de rédiger une note un peu longue sur Fred Edward Fiedler, né en 1922 à Vienne (Autriche), car il mérite d’être connu. Apprécié particulièrement dans  les pays anglo-saxons et germaniques pour ces travaux sur la psychologie des organisations et son ‘apport’ aux théories de management,

Il est l’auteur d’une courbe de performance qui, selon lui, croit avec l’insatisfactionFiedler pense que les gens satisfaits, n’ayant pas de besoins, ne sont d’aucun rendement. Une augmentation de performance se manifestera avec l’insatisfaction. La seule crainte de perdre une certaine  sécurité ou la tranquillité suffirait, selon cet auteur, pour atteindre les premier niveaux de performance appréciable. Après un long pallier, la motivation et donc le rendement peuvent s’accroître spectaculairement si l’insatisfaction devient très forte jusqu’à se transformer en véritable angoisse. La courbe se termine enfin par un effondrement aussi brusque que total. F. E. Fiedler se range dans la famille des auteurs du management par le stress.

En rapport avec Hersey et Blanchard, il faut noter le ‘modèle de contingence’ présenté par Fiedler en 1967, qui établit un lien entre le style de management et la situation à traiter. Cf : Fiedler, F.E. (1967) A Theory of Leadership Effectiveness, New York: McGraw-Hill.

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26 avril 2007 4 26 /04 /avril /2007 15:44
Pour Blake et Mouton, les styles de comportements recensés restent attachés aux facultés personnelles du manager. Il n'en va pas de même pour Rensis Likert (1904-1981) qui dresse une typologie des organisations managériales et non des managers. Mais la différence est sans importance car la pensée va irrémédiablement dans le même sens.
Rensis Likert
 

rensis-likert.jpgAlors qu'il était à l'Institute for Social Research, (Université du Michigan) le principal objectif de Rensis Likert (1903-1981) était de mener une recherche sur les styles de management en rapport avec les résultats obtenus. A partir d’une méthode d'enquête, il distingue quatre systèmes de management dont il dresse un profil psychologique (qui reste en fait un profil de système organisationnel).

Système 1. Style autoritaire – exploiteur. Management par la peur et la contrainte. Communication partant du sommet. Décision prise et imposées par le haut, sans concertation.
Système 2. Style autoritaire paternaliste. Management plutôt par les sanctions positives, mais le personnel reste soumis. Les informations qui remontent de la base seront en général celles qui seront satisfaisantes pour le patron. Les décisions importantes sont prises par la direction.
Système 3. Style consultatif. La direction utilise aussi bien les sanctions négatives que les sanctions positives. La communication est aussi bien montante que descendante ; les décisions importantes sont prises par le sommet.
Système 4. Style participatif. Instauration de groupes de travail, dotés d'un pouvoir de décision. La direction fixe les objectifs, et travaille avec les employés pour les stimuler dans la réalisation de performances. La communication est aussi bien verticale (dans les deux sens) que transverse (entre pairs). Les groupes sont reliés au reste de l'organisation par un chef d'équipe ou par un chef de département qui fait partie à la fois du (ou des) groupe(s) et de l'encadrement.
 

Le modèle du socialisme humanitaire

Plus les schémas se succèdent et moins on en perçoit l’intérêt. Depuis Blake et Mouton, l’intention était claire : il fallait montrer que le management s’apparentait à une technique (positivisme) mais qu’il était plus efficace et donc plus en rapport avec sa logique interne, lorsqu’il tenait compte de l’aspect relationnel. Il y a derrière cette idéologie conçue pour leaders en mal de philosophie, rationnels quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre un objectif, mais profondément irrationnels pour le reste, un axiome socialiste que Charles Péguy lui-même embrassa naïvement dans sa jeunesse. Cet axiome, c’est que l’homme peut administrer des choses, mais qu’il doit s’abstenir de commander aux autres hommes. Tous les schémas concluent au meilleur fonctionnement de l’entreprise lorsque le leader ne conduit plus, lorsqu’il n’exerce que peu de contraintes, lorsque les collaborateurs participent et décident, lorsque le responsable partage les décisions, quand il ne les fait pas prendre à sa place, en un mot, lorsque les collaborateurs ont plus de liberté. Mais peut-on administrer les choses sans commander aux hommes ? Cette position, transposée à la société civile, mine les institutions, détruit toute autorité. Nous ne résoudrons rien en affirmant qu’il n’y a là que songe creux, idéologie ou mensonge. Nous devons aller à la racine du problème.
 

Les présupposés l’emportent sur les observations

La diversité des théories à l’intérieur du cadre de pensée existant depuis Taylor et Mayo (la technocratie et l’humanisme ) montre qu’on retourne le problème dans tous les sens sans trouver d’issue qui satisfasse réellement. On a pensé établir une sorte d'échelle continue entre deux extrêmes : très autocratique (orientation des tâches) et très démocratique (orientation vers les personnes). Parmi les variations possibles, on trouve une définition instable du contenu de la relation humaine. Certains auteurs la ramènent à la « gestion des hommes » et incluent la fixation d’objectif dans cette relation. D’autres mettront la fixation d’objectifs dans la relation technique (Hersey et Blanchard).
Mais on s'est aussi rendu compte que ces deux dimensions pouvaient dans certains cas ne pas s’exclure l'une l'autre. Par ailleurs,Les recherches sur le leadership effectuées en 1945 par le Bureau of Business Research à l'Université d'Ohio (Stogdill & Coons, 1957) ont démontré sans peine que les styles de leadership tendaient à varier considérablement parmi les leaders. Par conséquent, aucun style dominant n'apparaissait ; on observait seulement des combinaisons variées de styles. Dès lors, quelles conclusions tirer ?


Tannenbaum et Schmidt

On préfère la recherche aux résultats, la méthode aux conclusions. On préfère la description commune à tous les auteurs,description qui procède de l’école comportementaliste. Celle-ci s’oppose à l’école behaviouriste, laquelle avait produit des auteurs tels que Skinner, qui passait pour fascisant. Le behaviourisme a voulu faire croire qu’on pouvait assimiler le comportement humain à celui des souris de laboratoire et le modifier par des techniques de conditionnement. Les comportementalistes s’opposent à une telle conception, mais ne sont pas pour autant exempts d’idéologie et d’irrationalité scientiste. Cela se vérifie particulièrement chez Tannenbaum & Schmidt.
Tannenbaum-R.jpgDans un article paru dans la prestigieuse revue de Harvard en 1973, Tannenbaum (photo cicontre) et Schmidt exposent en effet une grille de leaderships s’étalant sur un axe allant de l’autocratie et de l’usage de l’autorité, à la démocratie, à la liberté des subordonnés. La tentative n’était pas neuve. Déjà, en fin des années 1930, Kurt Lewin (Université d’Iowa) distinguait deux types de leaders :
 1. Le style autocratique : il prend les décisions, informe les employés sur ce qu’ils doivent faire et contrôle le travail. Décider, informer, contrôler
 2. Le style démocratique : il fait participer les employés aux décisions, ne contrôle pas jusque dans les détails, laisse aux collaborateurs leur liberté.
 

Tannenbaum et Schmidt reprennent le schéma. Mais leur originalité est d’établir entre les pôles autocratique et démocratique un continuum de sept types de commandement.

 Styles de commandement

 

 

Critique de l’approche par systèmes et par grilles. ).

 

A cette première relation « directive », on oppose la relation dite « humaine », où n’apparaît pas l’autorité, mais plutôt une notion démocratique conférant une certaine « autonomie » à chacun. Elle implique un certain partage des responsabilités et donc des décisions. La démocratie dans l’entreprise s’est toujours accompagnée de la diminution supposée de la « hiérarchie » d’encadrement, par une fausse dialectique de l’autonomie et de l’autorité, l’une devant exclure l’autre( ).

 

Théories normatives ou descriptives?

L’ambiguïté des grilles de management réside dans le fait que les auteurs (sauf peut-être Hersey et Blanchard, pour d’autres raisons) ne savent pas décider si la nomenclature de styles qu’ils présentent est normative, avec préférence pour les styles démocratiques, ou bien s’il s’agit d’un simple classement de managements possibles, pouvant servir à tour de rôle, sans préjugé et selon les situations.

 Certes, on ne pouvait pas, durant les années soixante, critiquer ouvertement la technocratie d’entreprise à moins de faire chorus avec les oppositions socialistes et communistes présentes en Europe et sur le continent américain. Mais l’intention était de mener une analyse autre que marxiste afin de réhabiliter le credo libéral.
 

Cette ambiguïté ne masque pas la réalité du message selon lequel la liberté humaine peut exister dans le milieu du travail. Cette orientation suscite encore de nos jours des travaux universitaires entrevoyant dans la ‘dimension humaine’ de l’organisation la possibilité d’une « éthique du management ».

C’est ainsi que l’ethique au travail se ramènerait pour l’essentiel à promouvoir la liberté des collaborateurs de l’entreprise. Or, ce principe n’a rien d’assuré. Voici pourquoi.
 
S’il est clair que la morale ne peut exister que dans un contexte humain, (du fait que la morale ne concerne que les hommes) il reste néanmoins à prouver que la liberté de décision laissée aux collaborateurs soit ipso facto moralement bonne. Il est nécessaire, pour aborder la question, de faire appel à d’autres notions afin de ne pas rester en état de sous alimentation avec la simple l’alternative relations techniques / relations humaines.
 

Donner de la liberté, c’est donner du pouvoir. Qu’il s’agisse d’un achat, de fixer des horaires, de recruter des collaborateurs, la liberté d’accomplir ces actes repose sur le pouvoir de le faire, sur le mandat qu’on reçoit. Raisonner sur la liberté en entreprise, c’est raisonner sur le pouvoir. La question est donc : à qui faut-il donner ou confier le pouvoir ? A tous indistinctement ? Certainement pas. Le pouvoir appelle la responsabilité, la liberté appelle la responsabilité. Celle-ci ne doit pas être floue, indécise, globalement diluée. La qualité de l’organisation en dépend. Il faut donner le pouvoir à ceux qui sont compétents, à ceux qui ont une responsabilité à tenir, à ceux qui sont directement concernés par les décisions qui doivent être prises. Si vous donnez le pouvoir aux incompétents, aux irresponsables et aux gens qui ne sont pas concernés, vous courrez un risque maximum, non seulement d’avoir de graves défauts d’organisation, mais aussi de rencontrer partout l’injustice. Le même principe vaut pour l’information, la consultation des collaborateurs, la négociation ou l’organisation de réunions. Il faut choisir les interlocuteurs compétents, responsables et concernés.

 

Disparition de la tradition entraîne celle de la hiérarchie.

La difficulté de commander en entreprise vient très certainement du fait que deux cents ansn’auront pas suffit pour établir et stabiliser une hiérarchie véritable. Dans une relation humaine, on ne peut se passer de la force et du cadre de la société, car l’homme est un être social. Invoquer une relation humaine avec ou sans autorité, hors de tout cadre social, est simplement irréaliste, car l’autorité, de fait est partout et vise à l’organisation sociale. Où, dans quel groupe ne s’exerce aucune autorité ? Même chez les anarchistes s’exerce une autorité . Quand on invoque l’ancien temps, « les sociétés traditionnelles » comme disent les sociologues, on reconnaît que les hiérarchies étaient établies et respectées. Le commandement allait de soi. L’esprit moderne pense qu’on en est sorti et que c’est un progrès. Ce jugement est trop léger. Le fait que, dans certains milieux, le commandement allait de soi, venait de la stabilité de la société et de l’établissement d’une véritable tradition sociale. Là où il y a autorité et hiérarchie, il y tradition. Vouloir établir une hiérarchie en dehors de toute tradition, c’est l’exposer à la critique et aux échecs. Qui pourrait contester qu’une tradition s’inscrit dans l’histoire ? Qui pourrait s’attendre à changer de tradition tous les ans ? Il faut donc la durée, la stabilité, l’expérience longuement éprouvée. La tradition exprime la sagesse des peuples, elle est un héritage, un don venu de la société toute entière, une richesse incomparable qu’on ne retrouve pas facilement quand on la détruit. L’homme moderne est agacé par la tradition. Il croit avoir trouvé mieux, plus de pouvoir, plus de liberté. Mais il n’a plus d’autorité. Il a perdu le sens social. Il vit seul. Toute la technique et tout le positivisme n’y changeront rien.

Hugo Clementi

 

Voir également la deuxième partie de notre article sur Blake et Mouton

La relation de pouvoir, comparée à la relation d’autorité a très bien été traitée par Louis Salleron, Le pouvoir dans l’entreprise, CLC, Paris, 1981. L’autorité est d’abord une qualité morale. Elle est d’ordre spirituel. Le pouvoir est matériel. Toutefois, l'autorité est à finalité sociale. C'est pourquoi elle ne se pense pas hors de tout cadre social.

Fausse dialectique, car l’autorité gouverne. Elle montre une direction et coordonne l’ensemble. Elle cherche à assurer le bien commun. Elle ne se substitue pas aux différents acteurs. Gouverner, c’est à dire orienter, n’est pas anéantir, ni supprimer chez les autres toute faculté d’action volontaire et réfléchie.

Depuis deux cents ans de libéralisme supplantant les mécanismes sociologiques des sociétés traditionnelles.

Ce que nous avançons est bien illustré par l’histoire d’un universitaire fort cultivé que nous avons connu et qui confiait une fois à ses amis qu’il avait été, dans sa jeunesse, chassé des rangs anarchistes. ‘Et savez-vous pour quel motif ?‘ demandait-il. Devant le silence de ses amis, il apportait, ironique, la réponse : ‘Eh bien, pour indiscipline ! Un comble…

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25 avril 2007 3 25 /04 /avril /2007 22:00

Ce que le management appelle la dimension humaine ne peut être atteint dans une conception idéologique de l’individu, mais doit être assimilé à la dimension sociale du travail, même si l’on veut se limiter à examiner le contexte de l’entreprise. D’un point de vue naturel, on ne peut pas tirer de la technique seule les principes d’organisation humaine.

 


Le travail a une double dimension : personnelle et sociale

Ces principes, Pie XI  en spécifie l’existence :
« Autant que la propriété, le travail, celui-là surtout qui se loue au service d’autrui, présente, à côté de son caractère personnel ou individuel, un aspect social qu’il convient de ne pas perdre de vue. La chose est claire : à moins, en effet, que la société ne soit constituée en un corps bien organisé, que l’ordre social et juridique ne protège l’exercice du travail, que les différentes professions, si étroitement solidaires, ne s’accordent et ne se complètent mutuellement, à moins surtout que l’intelligence, le capital et le travail ne s’unissent et ne se fondent en quelque sorte en un principe unique d’action, l’activité humaine est vouée à la stérilité. »

Ce texte concerne l’organisation de la société tout entière. Mais il concerne nécessairement chaque milieu de travail particulier. Il n’est pas nécessaire de démontrer que ces principes s’appliquent aux relations interpersonnelles dans l’entreprise. En reprenant cette citation, nous pouvons assigner leurs exigences  aux relations de travail.

 L’aspect personnel et l’aspect social

 Une bonne organisation, c’est à dire une organisation efficace, atteint son but tout en permettant à l’homme de penser et d’agir en homme. Qu’est ce à dire ? Pour l’entreprise, il s’agira de mettre en place une organisation où l’homme n’est asservi comme un objet ni à la machine ni à l’organisation elle-même. Cette bonne organisation est celle où l’homme lui-même organise à son niveau, à son échelle, en fonction du but imparti et dans le cadre de la microsociété que représente  le service où l’on travaille ou l’entreprise elle-même. L’exigence qui repose sur l’individu est de respecter la dimension sociale, de lutter contre un esprit d’indépendance qui n’est pas de mise, de développer un esprit d’union avec les autres et selon les règles du métier. Il s’agit là d’une exigence qui se fonde sur la connaissance et sur le respect la nature humaine. C’est pourquoi elle ne peut être remplie sans le goût de savoir la vérité sur l’homme. L’entreprise doit donc respecter le caractère personnel du travail et l’individu doit en respecter l’aspect social. L’aspect personnel sans l’aspect social est stérile, mais l’aspect social sans l’aspect personnel est non seulement oppressant mais destructeur de toute vie morale.

 La notion de métier

 L’organisation doit faire en sorte que le travail des uns et des autres forme un ordre, ce qui veut dire beaucoup plus que la simple division du travail. Il s’agit de faire en sorte que le travail demandé soit raisonnable, adapté aux capacités de chacun et surtout qu’il découle du rôle attendu de chacun. En effet, l’organisation doit assigner à l’individu une place stable et honorable, (i.e. dont le mérite est reconnaissable) qui s’oppose au travail anonyme et dépersonnalisé, à l’interchangeabilité et à la mobilité excessive. Le travail doit favoriser le développement de la notion de métier. Parmi les dimensions qui différencient le simple travail de la notion de métier, il y a l’intériorisation de règles et de normes convergeant vers le bon travail et vers la qualité. Bien qu’intériorisées dans chaque homme de métier, elles ont un caractère collectif et objectif auquel on reconnaît le travail d’un professionnel. Rien n’est plus étranger à cet esprit de métier que les normes ISO, par lesquelles le travail devient impersonnel et les hommes interchangeables.

 L’ordre de l’entreprise doit demander que le travail soit exécuté consciencieusement et honnêtement et que le travail effectué soit reconnu en marquant la différence légitime, suivant les règles de métier, entre ce qui est bien fait et ce qui ne l’est pas. On satisfait ainsi à l’exigence de justice. Les procédures qualité dont on fait si grand cas aujourd’hui marquent le changement de mentalité. Du temps des corporations, les « règles de l’Art » existaient déjà. Simplement, la qualité était assurée par le serment que prêtait chaque professionnel. Avec les procédures, on est passé de l’exigence morale à la paperasse administrative impersonnelle.

 Complémentarité

 L’organisation du travail reposant sur le partage des tâches, doit faire apparaître la complémentarité des rôles et ne doit pas être  la cause d’un cloisonnement. Autrement dit il faut, sous peine de stérilité, que le travail de chacun converge vers un but commun et vers le bien commun de l’entreprise. Chacun travaillant pour les autres, on satisfait à l’exigence de solidarité , par laquelle l’homme démontre qu’il préfère le bien commun à son bien propre.

 Convergence du capital et du travail et non lutte des classes.

 Les motifs et les modalités d’association du capital et du travail intéressent la société toute entière. A ce titre, ils doivent l’emporter et fonder le principe d’une action commune. L’entreprise est au carrefour de relations sociales diverses : les banques, les administrations, les fournisseurs, les salariés et les clients. La véritable finalité du travail est de correspondre à la vie sociale et de s’y intégrer. Il est dommageable de voir certaines activités fonctionner grâce à la société toute entière, sans que celle-ci n’en tire pour autant un bénéfice véritable. C’est notamment le cas des entreprises qui délocalisent et qui se fixent comme objectif leur propre prospérité sans se soucier du bien de l’ensemble.

 La réalisation de ces différents points peut apparaître comme un idéal difficile à atteindre. Nous partageons cet avis. Car la morale n’a jamais été un catalogue de lois écrites à appliquer automatiquement. Le bien de l’homme n’apparaît pas, à la différence de celui de l’animal, comme une évidence immédiate, perceptible et vécue. Il se présente souvent comme une exigence ou une obligation qu’on découvre à l’expérience et par la réflexion. On ne peut respecter cette obligation qu’en y appliquant son jugement et sa volonté. Les choses ne sont pas jouées d’avance. Les relations de travail ne peuvent s’instaurer que par cette réflexion éthique.

 La difficulté à garder les principes montre leur importance

 L’importance de la morale au travail ne vient pas du fait qu’elle permettrait une meilleure technicité ou de meilleurs rendements. Le propre de la morale n’est pas à rechercher dans les aspects techniques ou financiers. Le propre de la morale c’est de présenter le bien qui est à faire et le mal qui est à éviter. La difficulté de trouver l’organisation et les relations permettant la mise en oeuvre des exigences morales, vient des habitudes qui ont été prises de vivre et d’organiser en dehors des principes, si bien que la forme actuelle de l’économie rend les choses plus délicates, ou donne parfois l’impression qu’il n’est pas réaliste de s’occuper de préceptes moraux dans le travail. Tout cela milite pour qu’on reprenne en urgence ces préoccupations, car la morale consiste en fait a se comporter selon des normes naturelles, compréhensibles par tous. La morale est le meilleur des langages communs à tous les hommes.

On ne peut pas dire que le lien juridique du contrat de travail suffise à régler les rapports humains. Si l’homme travaille pour se procurer les biens nécessaires à sa subsistance personnelle et à celle de sa famille, ainsi qu’à l’entretien de sa vie culturelle et morale, l’organisation humaine doit également concourir à créer dans l’entreprise une atmosphère propice au respect des exigences de vérité, de justice et de charité.

Il n’est pas vrai que l’ordre économique soit autonome dans sa sphère au point de ne pas dépendre de la loi morale. Il n’est pas vrai que l’emploi de moyens techniques dispense de se soumettre au jugement d’une conscience droite. Dans n’importe quelle activité humaine, aussi technique soit-elle, on doit considérer l’intention, les méthodes et les résultats attendus à la lumière des règles de vie qui doivent prévaloir dans tout groupe humain civilisé. Contrairement à ce que pensait Bismarck, la fin ne justifie pas les moyens.

Michel Tougne

  Pie XI, Quadragesimo anno, 15 mai 1931

  Quittant le plan naturel pour celui de la religion, la solidarité entre les hommes dans le travail est l’expression de la charité fraternelle.

 

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22 avril 2007 7 22 /04 /avril /2007 16:12

On ne soulignera jamais assez le rôle des universités américaines dans le développement des théories de management. Vers les années 1930, Kurt Lewin travaille avec l'université d'Iowa. Il propose  un schéma d'analyse des comportements du manager sur deux pôles : le leader autocratique qui prend ses décisions tout seul ; et le pôle du leader démocratique qui encourage la discussion et la participation. Certains commentateurs ont cru pouvoir  pressentir dans cette schématisation les prémices d'un management « éthique ».


Le relationnel fait-il accéder invariablement à la dimension éthique ?

 

Or, s'il est vrai que l'éthique concerne l'homme, le fait de s'intéresser aux gens et d'orienter son action en fonction de la personne humaine ne suffit pas et n'aboutit pas invariablement à un comportement éthique. Je peux, par exemple, m'intéresser à l'homme ; mais dès qu'il s'agit de demander un effort, je peux, par faiblesse, tolérer des comportements irresponsables et nuisibles. L'exercice du commandement nécessite une connaissance des principes moraux qui aident à discerner dans chaque situation, où se situe le bien. La morale est une science qui diffère de la simple philanthropie. Elle n'est pas non plus une science positiviste, si bien que partir des comportements vérifiables et des phénomènes relationnels constatés reste insuffisant pour la connaissance du bien et du mal.

 

Par ailleurs, la charge idéologique qui se dégage de la comparaison entre l'autocratie et la démocratie mutile la liberté de penser en supposant le problème (presque) résolu dès son exposé.

 

 Toujours dans le contexte universitaire, lors des années de l'après guerre 39-45 les recherches menées par l'université de l'Ohio aboutissent à classer les comportements managériaux sur deux axes : l'intérêt pour les personnes et l'intérêt pour la structure, pour la production, pour le résultat. On ne parle apparemment plus d'autocratie ou de démocratie, mais cette nouvelle classification revient au même.

 

C'est à cette inspiration que se rattachent Robert R. Blake et Jane S. Mouton. L'un étant  médecin et l'autre psychologue, ces deux chercheurs publient dès 1964 une première grille représentant les divers comportements du manager. (Cf. Les deux dimensions du management, Editions d'Organisation, 1972).

 

Se fondant sur leurs observations, ces deux psychologues d'entreprise recensent cinq styles différents.

 

 

 

 

Le style 1. Le leader s'investit surtout dans l'organisation matérielle et cherche à réunir les conditions optimales pour obtenir les résultats exigés. Ce style est souvent décrit comme « directif », car l'organisation n'est pensée qu'à travers les choses et les hommes doivent simplement s'y conformer. (Taylor)

 

Le style 2. Le leader s'investit surtout dans la relation humaine, et cherche à obtenir un niveau de motivation élevé. Recherche de la confiance, de la sympathie, de la compréhension mutuelle. Le leader accorde une grande attention aux besoins des employés et cherche ainsi à obtenir un bon climat.

 

Le style 3. Le leader cherche à équilibrer les impératifs de la production et le maintien du bon moral des employés. Les exigences sont modulées et modérées.

 

Le style 4. Souvent décrit comme le style du « catalyseur ». C'est celui du meneur d'hommes qui s'investit à fond aussi bien du côté de l'organisation que du côté des relations humaines. C'est aussi le style qui exige le plus du leader. Le travail est accompli par des hommes responsables selon des exigences élevées. Les rapports sont fondés sur la confiance et le respect mutuel.

 

Le style 5. Un effort minimum suffit pour obtenir des résultats et maintenir l'adhésion du personnel. Parfois décrit comme le style du leader "basse pression", comme une sorte de contre-exemple de ce que doit être le manager. En fait, dans l'esprit des auteurs, il s'agit toujours de leaders dignes de ce nom et qui réussissent. Simplement, ils n'ont pas besoin de jouer les locomotives pour obtenir de bons résultats.

 

Aux yeux des auteurs, la bipolarisation : intérêt pour les hommes, intérêt pour les choses, était insuffisante. D'où la description de cinq styles différents. Autre nouveauté : aucun style n'est valorisé par rapport à un autre. Ce qui compte, c'est l'efficacité, c'est la réussite. Blake et Mouton ne pensent pas que le manager soit incapable de s'approprier plusieurs styles et de les varier. Aussi la grille est-elle censée donner des repères et permettre au leader de changer de style, de s'adapter.

 
 

 Le paradigme positiviste de Blake et Mouton

 
 

Comment allier science et humanisme ? D'un coté, la science apporte la technique, l'objectivité, la création de richesses et de biens matériels qui doivent "libérer" l'homme. Mais on a vu, dans l'expérience taylorienne, que la fabrication de ces biens, pouvait être contraignante. L'usage des biens libère, mais leur fabrication asservit. La question se complique dès lors qu'il ne faut pas subordonner la science à l'humanisme. Telle est la problématique  à surmonter.

 

La grille de Blake et Mouton ne se veut en rien prescriptive. Elle ne prétend pas non plus décrire des caractères. Elle n'aide en rien à réfléchir sur la nature des êtres et des choses parce qu'elle ne s'interroge ni sur l'être ni sur les choses. Elle n'évalue pas la valeur des actions à mener : on reste dans le positivisme. Cette grille n'intéresse pas l'intelligence, mais uniquement la volonté : voulez vous être efficace oui ou non ? (indépendamment de la nature de l'action à mener). C'est une grille pour l'action. Venant de la part d'un médecin et d'un psychologue, l'amoralisme de la théorie s'est trouvé occulté, dans la mesure où l'on s'attend naturellement à trouver un sens éthique éclairé chez des représentants ces professions. Le positivisme s'est ainsi trouvé indûment promu au rang d'éthique. Mais il le fallait, car l'entreprise « capitaliste » et singulièrement l'entreprise américaine était dénoncée par le bolchevisme mondial comme un lieu d'aliénation.

 

Autre point, le positivisme ne permet pas d'élaborer une morale authentique. Voici pourquoi. Par principe (ou par préjugé), il croit  la connaissance du bien et du mal hors d'atteinte de l'esprit humain. La loi naturelle, expression de la volonté divine, lui paraît inconnaissable. C'est pourquoi il ne considère que les phénomènes, (i.e. les manifestations concrètes des comportements humains). Dès lors, que peut être le bien sinon qu'une relation 'réussie' et que peut être le mal si non qu'une 'relation d'echec' ? C'est sur cette lancée qu'on a commencé à parler de realtions 'gagnant-gagnant' pour figurer le bien. C'est ainsi que le positivisme enferme la morale dans l'univers de l'utilitarisme, dans la religion du succès.

Enfin, mentionnons le manque de réalisme. Dans un univers industriel necessitant des investissements lourds, le choix d'un style de commandement  ne dépend que peu de l'individu. En soi, en faisant abstraction de tout contexte, le style catalyseur, par exemple,  aurait toujours pu exister. S'il n'a jamais eu  cours dans l'entreprise tayloriste, ce n'est pas à cause "des mentalités qui n'ont pas évolué". C'est que la forme d'organisation, imposée par les machines, par le chronométrage des tâches, par l'objectif quantitatif de production rend impossible un tel style, quel que soient les leaders, quel que soit leur charisme, leur caractère, leurs capacités et leur préférences ou leur bonne volonté. La grille de Blake et Mouton décrit des styles de management déconnectés du contexte physique, de la structure organisationnelle du travail. Une politique relationnelle n'est pas envisageable dans une entreprise dont l'implantation est prévue pour une production tayloriste. Ceci étant pour dire que  les styles de management dépendent de la stratégie de l'entreprise qui détermine un contexte physique, lequel dicte sa loi. Nous y reviendrons.

 

 Hugo Clementi

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  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes
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La grande misère de l'ordre social est qu'il n'est ni profondément chrétien  ni réellement humain, mais uniquement technique et économique

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