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26 avril 2007 4 26 /04 /avril /2007 15:44
Pour Blake et Mouton, les styles de comportements recensés restent attachés aux facultés personnelles du manager. Il n'en va pas de même pour Rensis Likert (1904-1981) qui dresse une typologie des organisations managériales et non des managers. Mais la différence est sans importance car la pensée va irrémédiablement dans le même sens.
Rensis Likert
 

rensis-likert.jpgAlors qu'il était à l'Institute for Social Research, (Université du Michigan) le principal objectif de Rensis Likert (1903-1981) était de mener une recherche sur les styles de management en rapport avec les résultats obtenus. A partir d’une méthode d'enquête, il distingue quatre systèmes de management dont il dresse un profil psychologique (qui reste en fait un profil de système organisationnel).

Système 1. Style autoritaire – exploiteur. Management par la peur et la contrainte. Communication partant du sommet. Décision prise et imposées par le haut, sans concertation.
Système 2. Style autoritaire paternaliste. Management plutôt par les sanctions positives, mais le personnel reste soumis. Les informations qui remontent de la base seront en général celles qui seront satisfaisantes pour le patron. Les décisions importantes sont prises par la direction.
Système 3. Style consultatif. La direction utilise aussi bien les sanctions négatives que les sanctions positives. La communication est aussi bien montante que descendante ; les décisions importantes sont prises par le sommet.
Système 4. Style participatif. Instauration de groupes de travail, dotés d'un pouvoir de décision. La direction fixe les objectifs, et travaille avec les employés pour les stimuler dans la réalisation de performances. La communication est aussi bien verticale (dans les deux sens) que transverse (entre pairs). Les groupes sont reliés au reste de l'organisation par un chef d'équipe ou par un chef de département qui fait partie à la fois du (ou des) groupe(s) et de l'encadrement.
 

Le modèle du socialisme humanitaire

Plus les schémas se succèdent et moins on en perçoit l’intérêt. Depuis Blake et Mouton, l’intention était claire : il fallait montrer que le management s’apparentait à une technique (positivisme) mais qu’il était plus efficace et donc plus en rapport avec sa logique interne, lorsqu’il tenait compte de l’aspect relationnel. Il y a derrière cette idéologie conçue pour leaders en mal de philosophie, rationnels quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre un objectif, mais profondément irrationnels pour le reste, un axiome socialiste que Charles Péguy lui-même embrassa naïvement dans sa jeunesse. Cet axiome, c’est que l’homme peut administrer des choses, mais qu’il doit s’abstenir de commander aux autres hommes. Tous les schémas concluent au meilleur fonctionnement de l’entreprise lorsque le leader ne conduit plus, lorsqu’il n’exerce que peu de contraintes, lorsque les collaborateurs participent et décident, lorsque le responsable partage les décisions, quand il ne les fait pas prendre à sa place, en un mot, lorsque les collaborateurs ont plus de liberté. Mais peut-on administrer les choses sans commander aux hommes ? Cette position, transposée à la société civile, mine les institutions, détruit toute autorité. Nous ne résoudrons rien en affirmant qu’il n’y a là que songe creux, idéologie ou mensonge. Nous devons aller à la racine du problème.
 

Les présupposés l’emportent sur les observations

La diversité des théories à l’intérieur du cadre de pensée existant depuis Taylor et Mayo (la technocratie et l’humanisme ) montre qu’on retourne le problème dans tous les sens sans trouver d’issue qui satisfasse réellement. On a pensé établir une sorte d'échelle continue entre deux extrêmes : très autocratique (orientation des tâches) et très démocratique (orientation vers les personnes). Parmi les variations possibles, on trouve une définition instable du contenu de la relation humaine. Certains auteurs la ramènent à la « gestion des hommes » et incluent la fixation d’objectif dans cette relation. D’autres mettront la fixation d’objectifs dans la relation technique (Hersey et Blanchard).
Mais on s'est aussi rendu compte que ces deux dimensions pouvaient dans certains cas ne pas s’exclure l'une l'autre. Par ailleurs,Les recherches sur le leadership effectuées en 1945 par le Bureau of Business Research à l'Université d'Ohio (Stogdill & Coons, 1957) ont démontré sans peine que les styles de leadership tendaient à varier considérablement parmi les leaders. Par conséquent, aucun style dominant n'apparaissait ; on observait seulement des combinaisons variées de styles. Dès lors, quelles conclusions tirer ?


Tannenbaum et Schmidt

On préfère la recherche aux résultats, la méthode aux conclusions. On préfère la description commune à tous les auteurs,description qui procède de l’école comportementaliste. Celle-ci s’oppose à l’école behaviouriste, laquelle avait produit des auteurs tels que Skinner, qui passait pour fascisant. Le behaviourisme a voulu faire croire qu’on pouvait assimiler le comportement humain à celui des souris de laboratoire et le modifier par des techniques de conditionnement. Les comportementalistes s’opposent à une telle conception, mais ne sont pas pour autant exempts d’idéologie et d’irrationalité scientiste. Cela se vérifie particulièrement chez Tannenbaum & Schmidt.
Tannenbaum-R.jpgDans un article paru dans la prestigieuse revue de Harvard en 1973, Tannenbaum (photo cicontre) et Schmidt exposent en effet une grille de leaderships s’étalant sur un axe allant de l’autocratie et de l’usage de l’autorité, à la démocratie, à la liberté des subordonnés. La tentative n’était pas neuve. Déjà, en fin des années 1930, Kurt Lewin (Université d’Iowa) distinguait deux types de leaders :
 1. Le style autocratique : il prend les décisions, informe les employés sur ce qu’ils doivent faire et contrôle le travail. Décider, informer, contrôler
 2. Le style démocratique : il fait participer les employés aux décisions, ne contrôle pas jusque dans les détails, laisse aux collaborateurs leur liberté.
 

Tannenbaum et Schmidt reprennent le schéma. Mais leur originalité est d’établir entre les pôles autocratique et démocratique un continuum de sept types de commandement.

 Styles de commandement

 

 

Critique de l’approche par systèmes et par grilles. ).

 

A cette première relation « directive », on oppose la relation dite « humaine », où n’apparaît pas l’autorité, mais plutôt une notion démocratique conférant une certaine « autonomie » à chacun. Elle implique un certain partage des responsabilités et donc des décisions. La démocratie dans l’entreprise s’est toujours accompagnée de la diminution supposée de la « hiérarchie » d’encadrement, par une fausse dialectique de l’autonomie et de l’autorité, l’une devant exclure l’autre( ).

 

Théories normatives ou descriptives?

L’ambiguïté des grilles de management réside dans le fait que les auteurs (sauf peut-être Hersey et Blanchard, pour d’autres raisons) ne savent pas décider si la nomenclature de styles qu’ils présentent est normative, avec préférence pour les styles démocratiques, ou bien s’il s’agit d’un simple classement de managements possibles, pouvant servir à tour de rôle, sans préjugé et selon les situations.

 Certes, on ne pouvait pas, durant les années soixante, critiquer ouvertement la technocratie d’entreprise à moins de faire chorus avec les oppositions socialistes et communistes présentes en Europe et sur le continent américain. Mais l’intention était de mener une analyse autre que marxiste afin de réhabiliter le credo libéral.
 

Cette ambiguïté ne masque pas la réalité du message selon lequel la liberté humaine peut exister dans le milieu du travail. Cette orientation suscite encore de nos jours des travaux universitaires entrevoyant dans la ‘dimension humaine’ de l’organisation la possibilité d’une « éthique du management ».

C’est ainsi que l’ethique au travail se ramènerait pour l’essentiel à promouvoir la liberté des collaborateurs de l’entreprise. Or, ce principe n’a rien d’assuré. Voici pourquoi.
 
S’il est clair que la morale ne peut exister que dans un contexte humain, (du fait que la morale ne concerne que les hommes) il reste néanmoins à prouver que la liberté de décision laissée aux collaborateurs soit ipso facto moralement bonne. Il est nécessaire, pour aborder la question, de faire appel à d’autres notions afin de ne pas rester en état de sous alimentation avec la simple l’alternative relations techniques / relations humaines.
 

Donner de la liberté, c’est donner du pouvoir. Qu’il s’agisse d’un achat, de fixer des horaires, de recruter des collaborateurs, la liberté d’accomplir ces actes repose sur le pouvoir de le faire, sur le mandat qu’on reçoit. Raisonner sur la liberté en entreprise, c’est raisonner sur le pouvoir. La question est donc : à qui faut-il donner ou confier le pouvoir ? A tous indistinctement ? Certainement pas. Le pouvoir appelle la responsabilité, la liberté appelle la responsabilité. Celle-ci ne doit pas être floue, indécise, globalement diluée. La qualité de l’organisation en dépend. Il faut donner le pouvoir à ceux qui sont compétents, à ceux qui ont une responsabilité à tenir, à ceux qui sont directement concernés par les décisions qui doivent être prises. Si vous donnez le pouvoir aux incompétents, aux irresponsables et aux gens qui ne sont pas concernés, vous courrez un risque maximum, non seulement d’avoir de graves défauts d’organisation, mais aussi de rencontrer partout l’injustice. Le même principe vaut pour l’information, la consultation des collaborateurs, la négociation ou l’organisation de réunions. Il faut choisir les interlocuteurs compétents, responsables et concernés.

 

Disparition de la tradition entraîne celle de la hiérarchie.

La difficulté de commander en entreprise vient très certainement du fait que deux cents ansn’auront pas suffit pour établir et stabiliser une hiérarchie véritable. Dans une relation humaine, on ne peut se passer de la force et du cadre de la société, car l’homme est un être social. Invoquer une relation humaine avec ou sans autorité, hors de tout cadre social, est simplement irréaliste, car l’autorité, de fait est partout et vise à l’organisation sociale. Où, dans quel groupe ne s’exerce aucune autorité ? Même chez les anarchistes s’exerce une autorité . Quand on invoque l’ancien temps, « les sociétés traditionnelles » comme disent les sociologues, on reconnaît que les hiérarchies étaient établies et respectées. Le commandement allait de soi. L’esprit moderne pense qu’on en est sorti et que c’est un progrès. Ce jugement est trop léger. Le fait que, dans certains milieux, le commandement allait de soi, venait de la stabilité de la société et de l’établissement d’une véritable tradition sociale. Là où il y a autorité et hiérarchie, il y tradition. Vouloir établir une hiérarchie en dehors de toute tradition, c’est l’exposer à la critique et aux échecs. Qui pourrait contester qu’une tradition s’inscrit dans l’histoire ? Qui pourrait s’attendre à changer de tradition tous les ans ? Il faut donc la durée, la stabilité, l’expérience longuement éprouvée. La tradition exprime la sagesse des peuples, elle est un héritage, un don venu de la société toute entière, une richesse incomparable qu’on ne retrouve pas facilement quand on la détruit. L’homme moderne est agacé par la tradition. Il croit avoir trouvé mieux, plus de pouvoir, plus de liberté. Mais il n’a plus d’autorité. Il a perdu le sens social. Il vit seul. Toute la technique et tout le positivisme n’y changeront rien.

Hugo Clementi

 

Voir également la deuxième partie de notre article sur Blake et Mouton

La relation de pouvoir, comparée à la relation d’autorité a très bien été traitée par Louis Salleron, Le pouvoir dans l’entreprise, CLC, Paris, 1981. L’autorité est d’abord une qualité morale. Elle est d’ordre spirituel. Le pouvoir est matériel. Toutefois, l'autorité est à finalité sociale. C'est pourquoi elle ne se pense pas hors de tout cadre social.

Fausse dialectique, car l’autorité gouverne. Elle montre une direction et coordonne l’ensemble. Elle cherche à assurer le bien commun. Elle ne se substitue pas aux différents acteurs. Gouverner, c’est à dire orienter, n’est pas anéantir, ni supprimer chez les autres toute faculté d’action volontaire et réfléchie.

Depuis deux cents ans de libéralisme supplantant les mécanismes sociologiques des sociétés traditionnelles.

Ce que nous avançons est bien illustré par l’histoire d’un universitaire fort cultivé que nous avons connu et qui confiait une fois à ses amis qu’il avait été, dans sa jeunesse, chassé des rangs anarchistes. ‘Et savez-vous pour quel motif ?‘ demandait-il. Devant le silence de ses amis, il apportait, ironique, la réponse : ‘Eh bien, pour indiscipline ! Un comble…

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  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes
  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes

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La grande misère de l'ordre social est qu'il n'est ni profondément chrétien  ni réellement humain, mais uniquement technique et économique

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