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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 22:51

Par cet article, nous entamons une étude critique de la PNL que nous avons annoncée depuis maintenant deux ans. Nous reproduisons ci-après des remarques de Fulcran de Berge auxquelles nous avons d’ailleurs collaboré en ajoutant les remarques de Antoine-Marie Paganelli et de Michel Tougne .


Présentation de la PNL

La programmation neuro-linguistique (PNL) se donne pour être un ensemble d’outils heuristiques permettant une découverte de soi et des autres. C’est aussi un ensemble de techniques destinées au développement de soi. C’est enfin un ensemble de modèles et de techniques destinées à améliorer la communication entre individus.

Pourquoi nous intéresser à la PNL ? Parce que sa démarche recoupe l’objet d’étude de l’Icres, qui, nous le rappelons, s’intéresse aux causes de la déchristianisation. C’est pourquoi nous étudions les présentations du sujet humain propre à cette discipline et nous les rapprochons de la conception chrétienne d’un homme devant mener une vie morale normale (i.e. chercher le bien, éviter le mal). Nous examinons les méthodes de relations préconisées afin d’évaluer en quoi elles permettent d’établir des liens sociaux authentiques. Enfin, nous sommes attentifs au langage scientifique et très éclectique de cette théorie, car c’est de son caractère scientifique ou non que dépendra sa crédibilité. C’est d’ailleurs par cet aspect que nous commençons l’étude

Scientifique ou pas ?

La PNL se présente habituellement entourée de fortes références scientifiques. Un néophyte pourra légitimement s’en trouver impressionné, voire à priori convaincu. Il faut dire que les tenants de la PNL ne lésinent pas en se réclamant des sciences qu’ils convoquent :

programmation en référence tantôt à la cybernétique appliquée aux sciences humaines, tantôt au béhaviourisme, tantôt à la sociologie voire à la psychanalyse par laquelle on explique l’intériorisation inconsciente de comportements construits ;

neuro : en référence aux nombreuses neurosciences ;

linguistique : en référence aux travaux de linguistes, comme la grammaire transformationnelle de Noam Chomsky, mais aussi à la sémiologie, à la sémantique générale de Korzybski, et sans doute à la symbolique de Carl Jung.

Il s’agit en fait du travail de deux auteurs Richard Bandler et John Grinder, l’un mathématicien spécialisé en intelligence artificielle, devenu psychologue, l’autre linguiste. Leur ouvrage fondateur : « The Structure of Magic » 1975-1976, résume bien l’ambition des deux personnages : comment regrouper toutes ces théories, tous ces domaines scientifiques pour en faire un corps de théorie unifié ? Tout finit par se fondre dans les notions d’utilité, d’efficacité, et de ‘ce qui fait sens’. Pour ces deux auteurs, nos croyances (et non le réel) motivent nos actions. Ce sont elles qui enchantent le monde. (Vie psychique symbolique) et non la connaissance. La perception des obligations morales, (la responsabilité de l’individu) est noyée dans la vie symbolique. Nos croyances engendrent la magie de nos représentations, structurent nos comportement et nous font vivre…de l’irréel.

Découvrons plus avant la nature de la pensée développée par ces deux auteurs : leurs références scientifiques, le statut qu’il accordent à l’expérience et à l’observation, les principes qu’ils invoquent, pour interpréter les comportements. Observons également la relation qu’ils établissent entre ces principes et les faits d’expérience.

 Pillage d’aveugles ignorants.

Référons-nous à la présentation que donne l’Institut de Formation PNL :

« Leur objectif n'est pas de développer une théorie, il en existe déjà de nombreuses, mais plutôt de créer un modèle efficace.

Ils ont donc commencé par observer, écouter et toucher du doigt les comportements, les stratégies, les procédés utilisés par ceux pour qui la communication est un phénomène facile à mettre en oeuvre, de naturel, d'automatique. Ils se sont attachés davantage au comment plutôt qu'à la théorie de laquelle ils se réclament ou à tout ce qu'ils pouvaient dire.

C'est ainsi qu'ils sont allés observer des thérapeutes tels Virginia Satir (thérapies familiales), Fritz Perls(fondateur de la Gestalt thérapie), Milton Erickson, thérapeute hors du commun, père des thérapies brèves (ndla : praticien de l’hypnose), mort en 1980 est celui chez qui ils ont certainement le plus emprunté, et bien d'autres encore, professionnels de la communication venant d'horizons tels que le management et la pédagogie.

Ils se sont finalement rendu compte, au bout de ces nombreuses observations, qu'ils avaient vu juste et que ces personnes, souvent à leur insu, utilisaient des stratégies, des comportements identiques et donc reproductibles à volonté. Observer d'abord, mettre à l'épreuve ensuite, puis seulement après créer un modèle qui synthétise leurs observations, telle fut leur démarche. Elle donna naissance à de nombreux outils, techniques et procédures de travail pragmatiques et utilisables instantanément. »

Le texte est intéressant par son incohérence même. Comment ont-ils pu se rendre compte qu’ils avaient vu juste, si l’observation venait en premier, et si le modèle venait en dernier ? Est-ce ‘voir juste’ de se dire a priori qu’on pourra reproduire des méthodes sans faire références aux théories qui les ont permises ? Et surtout, est-ce mettre en premier l’observation que d’avoir de tels a priori ? Il s’agit tout au plus d’un pillage d’ignorants qui entendent bien le rester.

 Mutilation du réel

 John Grinder et Richard Bandler nous expliquent eux-mêmes : «Nous nous considérons comme des créateurs de modèles … Nous n’avons pas d’idées à propos de la nature réelle des choses. Et cela ne nous intéresse pas particulièrement. La fonction d’un modèle est d’arriver à une description qui soit utile. Nous n’avons rien de vrai à vous offrir, seulement des outils pratiques.»

On ne peut dire plus clairement que la connaissance du sujet humain ne les intéresse pas. 

Un autre auteur confirme ce second trait caractéristique des adeptes de la PNL :

«Leur démarche paraît bien davantage préoccupée du ‘‘comment’’ que du ‘‘pourquoi’’ d’un comportement d’une émotion ou d’une stratégie»

Ce texte donne un aperçu de la méthode appliquée :

-ils s’intéressent au comment, c’est à dire à la façon dont fonctionnent les personnes, mais plus encore à la façon de faire des praticiens thérapeutes, des hommes sachant communiquer. Pour eux, tout est mécanisme.

- Ils ne s’intéressent pas aux théories

- ils renoncent à rechercher les causes.

- ils constatent ‘qu’ils avaient vu juste’. C’est à dire que leur intuition fondamentale les poussaient à penser qu’ils pourraient se passer de théorie et qu’il leur suffiraient de modéliser les stratégies qu’ils observeraient chez les praticiens ou les professionnels de la communication. L’auteur parle de mise à l’épreuve. Où sont les travaux ? Où sont les résultats ?

Ne pas rechercher les causes d’un comportement, mais en observer le mécanisme est chez eux un parti pris constant, qu’ils prennent pour une garantie d’objectivité. Convenons que le fait de bâtir des modèles de comportements ou d’interventions thérapeutique et de parler un langage employant un vocabulaire scientifique ne suffit nullement à développer une science. Disons le plus crûment : celui qui singe un savant, qui prend l’apparence du savant, ne devient ipso facto un savant

Comment cette méthodologie peut-elle rendre compte de la réalité de n’importe quel homme ? C’est là chose impossible, puisque, de leur propre chef, ils déclarent :« Nous n’avons pas d’idées à propos de la nature réelle des choses. Et cela ne nous intéresse pas particulièrement. »

De Grinder et Bandler, nous retiendrons finalement leur volonté de se placer délibérément au niveau des phénomènes excluant l’ordre de la nature des choses, (des essences) excluant les finalités, le «pourquoi». Refuser de se poser la question du pourquoi dans le domaine du comportement humain est une option qui s’apparente à une mutilation du réel et à une capitulation de l’intelligence. C’est ainsi qu’on fait l’impasse non seulement sur les finalités des êtres et de leurs comportements, mais aussi sur la recherche des causes quelles qu’elles soient. (cause matérielle, cause efficiente ou formelle) Cette paresse intellectuelle originelle de la PNL explique sans doute le souci qu’ont eu les fondateurs de se donner une apparence d’autorité scientifique. Cette posture naïve rejoint une certaine médiocratie intellectuelle qui se veut pragmatique, mais s’apparente en fait au refus de connaître et de comprendre.

Au-delà du côté naïf et quelque peu ambitieux, force est de constater que nous sommes loin de toute référence sérieuse en matière scientifique.

Un bric-à-brac hétéroclite

Le site internet de l’Institut de Formation à la PNL jette d’autres lumières sur les fondements de la PNL :

« L’idée que l’Homme n’opère pas à partir des propriétés objectives de son environnement, mais bien à partir d’une représentation qu’il s’en fait et qu’il crée, a des racines épistémologiques qu’il peut être utile de clarifier. On trouve notamment :

- L’empirisme de David Hule (Sic. Sans doute s’agit-il de David Hume ?) philosophe dont la particularité consiste à considérer que les expériences sensorielles et subjectives sont les sources premières de la connaissance.

 - Le pragmatisme, systématisé par le logicien S.Pierce, proche de l’empirisme, déclare que la validité de la science et de l’action ne peut s’évaluer qu’à partir de leurs résultats.

- L’idéalisme de VAIHINGER : les représentations et les fictions organisent l’agir humain.

 - La sémantique générale d’Alfred Korzybski, pour qui le langage est un code descriptif imparfait de l’expérience humaine et qui l’influence.

- Le constructivisme est un courant de pensée d’apparition récente, décrivant la communication comme un processus général d’information du vivant qui obéit à des règles observables. Son plus célèbre représentant reste Bateson.

Épatant non... ? » (sic) 

Des auteurs évoqués ci-dessus, le commun dénominateur est d’accorder plus d’importance à la représentation des choses qu’aux choses elles-mêmes. Est-ce là un signe de vérité ? Oui, si l’on fait cette observation dans le but de réduire l’écart entre la représentation erronée et le réel ; non si l’on décide de prendre comme une donnée la représentation et qu’on répute le réel inconnaissable. Or, c’est la seconde option que prend la PNL

En outre, le texte parle de  racines épistémologiques. L'expression  est sans doute excessive, car il ne s’agit aucunement de références scientifiques, mais seulement de l’ambition d’appartenir à ces écoles de pensée. S’autoproclamer disciple d’un ou de plusieurs maîtres ne confère aucune qualité réelle tant qu’on n’a pas fait ses preuves. Qu’en est-il exactement ?

Manque de fondements

Les aller et retours incessants opérés entre le domaine des sciences positives et l’idéologie des représentations, confèrent à la PNL un côté insaisissable. Lorsqu’elle développe des considérations humanistes, elle invoque, en arrière fond, une dimension scientifique (les neurosciences, la sociologie, les observations cliniques etc.) ; mais lorsque l’on considère ces attendus scientifiques, elle les recadre dans les sciences humaines (la subjectivité, l’idéalisme des représentations ou la sémantique), La science humaine servant de justifiant à l’aspect technique et l’aspect technique servant de fondement à la science humaine. Or, une démarche technique ne reçoit pas sa validité de considérations humanistes, ni l’humanisme de la description d’un système mécanique.

Considérons par exemple la cybernétique. Cette discipline est née du souci de diriger des objets en mouvement. La première application a été sur les armes de défense anti-aérienne pendant la seconde guerre mondiale. Tout système cybernétique repose sur plusieurs éléments : un moteur, un comparateur, un signal d’entrée, un signal de sortie et une rétroaction du comparateur sur le moteur. La cybernétique est un domaine scientifique qui trouve ses applications techniques dans l’industrie de la défense, l’automobile, les techniques thermiques, l’informatique… C’est ainsi que les principes cybernétiques sont aujourd’hui utilisés dans bon nombre de systèmes techniques qui font notre quotidien, par exemple le système de thermostat des chauffages.

Qu’est ce qui permet aux auteurs d’une théorie de la psychologie de faire une analogie directe entre le fonctionnement d’un système cybernétique et le fonctionnement du psychisme humain ? En quoi les fondements et les conclusions de la cybernétique sont-elles pertinentes pour mieux connaître l’homme ? Comment peut-on passer d’une série d’applications dans différents domaines technologiques à des applications dans le domaine humain ? Une réflexion épistémologique nous dit que chacun de ces domaines de connaissance a son objet propre et que les attendus et les conclusions de l’un sont indépendants des autres. Par quel miracle arrive-t-on a en faire une unité organique ?

On le fait par la création de ‘modèles’. Mais cette notion de modèles scientifiques ne sauve rien. D’habitude, les sciences tirent leurs méthodes de la nature des objets qu’elles étudient. Pour la PNL, le lien entre l’étude du psychisme humain et la technique de téléguidage des fusées, c’est le modèle appliqué à ces disciplines en fait si éloignées l’une de l’autre. Dès lors, pourquoi ne pas faire appel aux découvertes de la géologie, de la résistance des matériaux, de la polymérisation pour représenter le psychisme humain. Lorsqu’on affirme ne pas s’intéresser à la nature du sujet humain (cf. plus haut), sur quel critère décider d’employer une méthode plutôt qu’une autre ?

Examinons par exemple la phrase (que la PNL considère comme un présupposé acceptable) : Le corps et l'esprit font partie d'un même système cybernétique.

S’il s’agit d’affirmer l’unité de l’âme et du corps, nous sommes d’accord, mais s’il s’agit de réduire le comportement humain à un mécanisme analogue à celui d’un chaudière, nous ne sommes pas d’accord.

Nous émettons des doutes quant à la validité des rapprochements opérés dans la PNL, entre la linguistique et les neurosciences, entre la cybernétique et la linguistique, entre le pragmatisme invoqué et la vie psychique telle que l’imaginent les théoriciens de cette méthode. Doutes également sur les rapports réels entre le ‘psychisme cybernétique’ et le sujet humain réel. Doute enfin sur la valeur de ce qu’ils croient ‘faire sens’ pour les divers sujets humains.

Il n’empêche que l’illusion est créée : aux yeux de trop de gens l’approche de la PNL passe pour scientifique. Il est à craindre que le que langage scientifique, par son prestige et par son caractère fascinant, serve de faux semblant à des théories sans fondement.

(à suivre)

Tiré du site internet : www.pnl.fr

Frogs into Princes, Moab (Utah) Real people Press 1979. Traduction : Les secrets de la communication, Montréal, Le jour éditions 1982

Catherine Cudicio, Comprendre la PNL, Les éditions d’organisation (1991)

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  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes
  • La politique est refoulée par les mêmes causes qui ont éliminé la religion. Dès lors, que reste-il de la société ? La science ? Mais la science ne donne aucun sens aux actes humains. Il est urgent de retrouver la mémoire de ce que nous sommes

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